Azarias Théotokis avait été attiré dans l’église uniquement par la curiosité. C’était son premier passage à Paris, non pas qu’il n’avait jamais eu l’occasion d’y aller, mais, plus simplement, il avait eu d’autres priorités qui se nommaient Rome, Moscou, Lisbonne, Tel-Aviv, des villes avec lesquelles il avait tissé un lien très fort, sans qu’il ne sache exactement pourquoi… Il arrivait en fin de carrière chez Olympic Airways et avait, depuis trois ans déjà, le privilège de décider dans quelle partie du monde il voulait atterrir. C’était un homme solitaire, un homme authentique. En arrivant place Saint-Michel, il s’était faufilé à travers la foule puis s’était engagé rue de la Huchette. Il n’avait vu que des restaurateurs Turcs, Serbes ou Croates, jouer au restaurateur Grec.
Une honte…
Ils vendaient une sorte de purée d’œuf de poisson qu’ils osaient appeler « tarama », une méchante viande de mouton, dont on se doutait qu’elle devait contenir la moitié de porc, un dessert collant qu’ils nommaient abusivement « baklawa », le tout arrosé d’un vin qui, lui, venait probablement d’Anatolie, même si les étiquettes, collées sur les bouteilles, étaient imprimées en Grec.
Je me souviens…
« On va manger Grec » disait-on, on n’allait jamais manger Turc.
Pour les autochtones qui fréquentaient le quartier, les étudiants, les jeunes actifs, les faux playboy qui allaient draguer au Roméo Club, les vendredi soir, manger Grec, c’était les souvenirs d’été : un vol charter vers de nouvelles frontières, une d’idylle de vacances, avec ou sans souvenirs douteux et cuisants….Manger Grec, c’était découvrir la vérité au fond d’une bouteille de Santorin ou de Rapsani… Manger Grec c’était aussi faire remonter du fond de sa mémoire Zeus, Hestia, Arès, Artémis et tout le tremblement, qui avait occupé ta scolarité, quand on essayait de t’apprendre ce qu’était la démocratie, le pouvoir par le biais du peuple, ou bien qui étaient le Minotaure, Jason et les argonautes, Icare ou encore Hermès, le messager des dieux.
L’homme avait donc traversé ce petit coin du quartier latin, en marchant vers l’Est. Il avait vu les touristes Américains avec leur chemise bariolée, les Anglais à moustache, les Espagnols volubiles, les Japonais avec pléthore d’objectifs photographique…Il y avait aussi quelques touristes Russes hautains, et des émirs du Moyen-Orient vêtus à l’européenne.
Azarias ne mangeait jamais avec son équipage. Il ne se souvenait pas avoir pris ne serait-ce qu’un repas avec ses compagnons de vol, au cours de sa très longue carrière. Ni dîner, ni déjeuner, pas le moindre pique-nique sur une plage de l’Île Maurice, un bout d’atoll du pacifique, une calanque à Marseille. Il était connu pour être une sorte d’ours solitaire. Pas un steward, ou une hôtesse, qui aurait osé s’asseoir à côté de lui, le matin, quand il prenait son petit déjeuner, avant le « pick-up » (D) pour rejoindre l’aéroport Sa réputation d’homme de silence, allergique aux autres, le précédait.
« C’est probablement notre meilleur pilote, mais il est handicapé des relations humaines » disait en plaisantant le chef-pilote du secteur International, en parlant d’Azarias Théotokis.
Il maintenait avec celles ou ceux qui prenaient soin des passagers, des relations courtoises, mais il est vrai qu’avec vingt ans de plus qu’un chef de cabine, ou que la plus âgée des hôtesses, la camaraderie trouvait vite ses limites. Il avait, dans sa tête et dans sa vie, fait la séparation entre les « anciens » et les « jeunes ». Il avait laissé tout le monde au Hilton Suffren, pas loin de la Tour Eiffel et, muni d’un plan de Paris en Anglais, il avait tout simplement marché sur la rive gauche, en route vers l’orient Parisien, passant devant les immeubles des beaux quartiers qui regardaient la Seine, en laissant le soleil d’été commencer sa lente descente, du côté de Boulogne Billancourt…
Théotokis était tombé dans l’aéronautique quand il avait sept ans. Il s’était simplement réveillé dans la maison de ses parents, à Athènes, rue Kameadou, dans le quartier huppé de Kolonakis, avec cette certitude que sa voie était tracée. Si ses copains d’école avaient dans l’idée de devenir politicien, aventurier, pirate, fonctionnaire, proxénète, marin ou evzone (1) il avait, lui, le parcours vers l’aviation déjà inscrit dans le cerveau. Si le corps avait sept ans, l’esprit en avait au moins quatre de plus. Il avait été pétri d’humanisme, de civilisation Grecque, de pas mal de bondieuseries orthodoxes, de lettres Latines, et d’histoire de France. Papa avocat avec de l’argent, Maman héritière d’une fortune à l’huile d’olive, il n’avait manqué de rien, et surtout pas de conseils et de rigueur. Polemiki Aeroporia (2), puis passage dans une école de pilotage célèbre de Floride, il n’avait suffi que d’un coup de pouce d’Aristote Onassis, (3) ami de la famille, pour qu’Azarias fasse ses premiers pas dans la compagnie aérienne au logo rappelant les jeux sportifs les plus célèbres de l’histoire de l’humanité. Le temps avait fait le reste, comme il le faisait pour tout le monde. Lui était devenu une sorte d’Icare, mais beaucoup plus sage.
En vingt-trois-mille heures de vol, il ne s’était jamais laissé grisé par son métier, et avait simplement vécu avec intensité les années qui s’étaient succédées. Côté souffle de l’esprit, Il n’aurait jamais pu être autre chose qu’un Grec orthodoxe… ! Pour se sentir proche d’une certaine communication avec l’ « ineffable », il lui fallait des ors, il lui fallait l’argent des encensoirs, la robe du pope, l’iconostase (4) de l’église, qui séparait l’officiant des fidèles et lui rappelait la description du Temple de l’ancienne Jérusalem, quand l’incroyable mystère d’accomplissait en secret, dans le Débir, le Saint des Saints, une fois seulement par cycle d’une année…
Puis un jour, au coin d’une tempête Africaine, sur la route de Johannesburg, à vingt-neuf mille pieds, il avait eu soudainement l’impression d’être « inhabité » par une quelconque croyance. Une flopée d’images et de souvenirs, sagement rangés au fond de son esprit, avait tout simplement disparu. Alors qu’il rentrait les coordonnées géographiques de la deuxième partie du trajet dans le système de navigation à inertie qui gérait le vol, il avait abandonné son geste et, sans le vouloir, laissé tomber les documents qu’il tenait à la main, sur le sol du cockpit. Il avait eu l’air tellement choqué pendant quelques secondes, que son copilote, Yannis Gavras, qu’il appréciait, parce que, comme lui, il était homme facilement silencieux, s’était inquiété : « Allez-vous bien, Azarias ? » avait-il demandé …ce à quoi le commandant avait répondu simplement « Je suis vide, terriblement vide, tout a disparu, mais ça passera, je suis sûr » …. Yannis Gavras connaissait bien l’homme. Il avait volé avec lui des dizaines de fois. Une sorte de lien s’était établi entre les deux pilotes, fait de respect des croyances respectives, des opinions de chacun, et des modes de vie qu’ils avaient choisis. Autant Gavras brûlait la chandelle par les deux bouts, autant Azarias était, d’habitude, un homme de mesure.
Il était vide…vide de ce qui avait fait qu’il était lui depuis autant d’années…Il n’était plus qu’os, chair et sang, il semblait que l’esprit avait disparu.
C’était vrai…il avait fait un rapide état des lieux, confiant au copilote la responsabilité du vol, le temps de fermer les yeux quelques minutes… Il n’avait plus ouvert la « Septante » (5) que lui avait donné son père avant de mourir.
Il n’avait plus ressenti d’intérêt pour le religieux, même du strict point de vue culturel. Il avait fermé la porte à toute visite d’un quelconque monument cultuel, lors de ses nombreuses escales. Il ne se souvenait même plus à quoi ressemblait un temple, une synagogue, une mosquée…Son âme s’était craquelée, son cœur était devenu encore plus sec qu’il ne l’était auparavant.
Traditionnellement, dans le métier très technique qu’était le sien, il n’y avait que peu de place pour une quelconque connotation spirituelle. Au milieu de l’électronique, de la règlementation, des procédures, de la consommation des moteurs, des vitesses de rotation, des turbulences, il n’y avait, effectivement, aucun espace dédié pour une quelconque réflexion sur l’origine ou le devenir de l’homme…
Azarias avait été bien désolé de cette absence de bonheur qui avait pris le contrôle de son être. Il avait souvent réfléchi à la question et avait mis ce malaise sur le dos de la fin de carrière. Dans quelques mois, il pourrait abandonner sa maison de Kalamaki, mise en vente et déjà promise à un homme d’affaire Anglais qui partageait son temps entre Londres et Athènes, et avait de l’argent à ne savoir qu’en faire. Il était prévu qu’Azarias parte vers sa nouvelle résidence de rêve, sur l’île de Kos, à la limite de la forêt de Plaka, et à quelques trentaines de mètres de l’eau bleue du Dodécanèse. Il avait choisi Kos à cause de sa petite taille, espérant que celle-ci serait un frein à une trop grande fréquentation par des touristes mal lunés, incultes, iconoclastes et somme toute bons-à-rien, et même pas à faire vraiment tourner l’économie. Ce qui lui pesait le plus, il l’avait finalement compris, était ces longues heures passées dans le cockpit, à tourner et retourner dans sa tête le pourquoi d’un célibat qui lui pesait plus qu’il ne voulait l’admettre.
Des femmes ? Il en avait connu des dizaines…
Des nuits agitées, avec alcool et regrets au réveil, il en avait vécu des centaines, mais les vraies passions, les aventures de longue haleine, elles, se comptaient sur les doigts de la main.
« Tu manques d’humour », lui avait dit sa dernière compagne d’un moment, Anthéa Vlachodimos, qui avait pourtant passé plus d’un an à fréquenter l’homme de l’air avec assiduité.
Alors le pilote s’était interrogé, se demandant à quoi pourrait lui servir un quelconque humour, quand sa vie était consacrée, pour le moment, à aller d’un point à un autre, par la voie des airs, de la façon la plus sûre qu’il fût, mais il avait réalisé qu’effectivement, mettre un peu plus de fantaisie dans sa vie et son quotidien, pourrait être une étape importante sur la longue route vers le plaisir de vivre.
Il était arrivé à cette église Grecque-Melkite, (6) en passant d’abord par le quai Saint-Michel. Il avait, tournicoté dans le coin des restaurants, s’était acheté un beignet dégoulinant d’huile à la Pâtisserie du Sud-Tunisien. Il était revenu au plus près du fleuve en longeant la rue du Chat qui Pêche, la plus étroite de Paris, puis avait tourné à droite vers le quai de Montebello. Révolution et Empire, l’histoire de France était présente dans les rues de Paris, avait-il remarqué, se souvenant des leçons d’Histoire de France de son enfance au « Lukeion » (C) d’Athènes.
Il avait tourné à droite rue Saint-Julien-le-Pauvre sans savoir exactement où il allait. Il aimait bien confier ses parcours à pied, au hasard qui n’existait pas. « Je suis sûr que tout est déjà écrit » avait-il osé dire un jour, à un commandant de bord d’Olympic Airways, qui venait d’effectuer son dernier vol. Pour Azarias, les points cardinaux étaient associés, depuis longtemps, à des images qui ne changeaient pas.
Dans sa tête, le Nord, c’était les forêts de Norvège, l’est, les steppes de l’Asie Centrale, l’Ouest, l’océan d’hiver déchaîné qu’il aimait survoler lors des longues traversées vers New-York. Le sud le ramenait toujours à sa Méditerranée, le centre de son monde. Si, effectivement, lui était passé l’engouement qu’il avait ressenti en début de carrière, pour la découverte des monuments du vaste monde, il lui était resté le grand plaisir des promenades à pied à travers les villes où se trouvaient ses escales. Il aimait expérimenter l’authenticité de chacune de ses destinations, aller au plus profond de la cité, même si ce plus profond impliquait parfois d’impromptues rencontres avec la pauvreté, la détresse humaine, des visions l’injustices flagrantes, toutes choses qui attristaient le brave grec et lui faisait douter des hommes et des supposés progrès de l’humanité.
Azarias avait dans la tête une sorte de GPS qui lui permettait de ne jamais se perdre. Il était passé devant l’arbre le plus ancien de Paris, lequel, disait-on, avait été planté en 1601. Il s’était demandé, l’espace d’une seconde, pourquoi les arbres vivaient plus longtemps que les hommes, et, pendant une autre seconde, s’était dit que si le choix lui était offert, il aurait voulu être un pin parasol, plantant ses racines en bord de mer Egée, et abritant de fabuleux oiseaux blancs. Du Français, il ne connaissait que quelques mots usuels, un fond de langage de survie, agrémenté de quelques phrases toutes prêtes qu’il utilisait de façon amicale quand il prenait contact, par radio, avec le contrôle aérien de l’hexagone…
Il avait par contre visuellement mémorisé des mots parmi lesquels se trouvaient avion, autobus, hôtel, police, hôpital, buffet, billet, contrôle, taxi, et grec.
C’était donc bien, seulement, la curiosité qui l’avait fait se rapprocher de la très vieille église. Il avait déchiffré le mot « grec », avait été intrigué et s’était demandé pourquoi, si c’était effectivement une église, celle-ci ne ressemblait aucunement à l’une de celles de son pays.
Il y était rentré, toujours mû par une envie de découverte qui n’avait rien à voir avec un quelconque élan spirituel. Une église n’était pas un monument, il avait simplement voulu voir ce qu’il y avait à l’intérieur. L’« homme vide » qu’il était depuis ce fameux vol vers l’Afrique du Sud n’avait toujours pas retrouvé l’esprit qui l’animait « avant ». Il n’avait pas non plus ressenti depuis bien longtemps, ce curieux besoin de s’interroger sur son devenir, sur la relation entre le visible et l’invisible, sur les rapports entre les déesses et les dieux du Panthéon de son enfance. Il était athée a quatre-vingt-pour-cent, mais laissait quand même une ouverture « pour le cas où » … Cet athéisme, peut-être de façade pour masquer un autre malaise, ne l’empêchait nullement de s’interroger, de questionner l’histoire.
Qui était vraiment Yeshoua Ben Yosef (8), quelle était la vraie mission de Paul de Tarse (9), que s’était-il vraiment passé après la crucifixion…Il restait plein de questions sans réponses pour cet homme plein de doute, mais également plein de certitudes.
Il essayait de se guérir en se projetant dans l’avenir, quand il serait, finalement, cloué au sol par la limite d’âge imposée par son employeur. « Il n’y aura plus aucune question, il y aura simplement le souffle du large sur la côte de Kos, l’odeur des lauriers, le chant régulier des clochers orthodoxes. »
« Ce sera bien, j’irai jouer au xéri (A) en buvant de l’Ouzo (B), sur la terrasse d’un café, devant la mer…Je pourrai prendre le temps que je veux pour manger mon tzatziki, et mes dolmadakia » (7), se réjouissait-il.
Mais à chaque fois qu’il repensait à sa vie de pilote, il savait qu’il partirait à la retraite à reculons, sans aucune garantie de pouvoir se faire à une vie sédentaire, même dans son « paradis » au bord de la mer. Il se doutait qu’à l’odeur des pins chauffés par le soleil, il préfèrerait probablement celle des gaz de kérosène, ces effluves que l’on respirait à Francfort, comme à Londres, à Tokyo, à Montréal ou bien sur l’aéroport d’Hellinikon, à Athènes, d’où il partait régulièrement pour relier, d’un coup d’aile, la capitale Grecque, aux grandes villes du monde, en Europe ou au-delà des mers.
Il avait regardé l’histoire de Saint-Julien, sur un document en Anglais qui se trouvait sur un présentoir, pas loin de l’iconostase. Le Saint homme lui avait plu, c’était un généreux hospitalier, quelqu’un qui avait su soigner les corps et les âmes, peut-être était-ce, justement, le genre de personne dont Azarias avait, aujourd’hui, bien besoin.
Soigner le corps, soigner son corps…
Il n’y avait que son médecin et lui-même qui étaient au courant de son cancer du thymus, une saloperie de type B3 dont il devait s’accommoder jusqu’à la date de son opération. Il avait caché à tout le monde, et par-dessus-tout au médecin de la compagnie, le docteur Argyropoulos, l’importance de sa maladie.
Son cancérologue, un docteur Suisse du nom de Spoerri, résidait à Oerlikon, près de Zürich. La distance ne posait aucun problème à l’homme de l’air, et garantissait également en même temps un certain cloisonnement. Il suffisait de prendre un rendez-vous par téléphone, sauter dans un des vols qui desservaient la grande ville Suisse, en profiter pour faire un petit crochet par Wengen, ou bien Grindelwald, pour s’oxygéner le corps et le moral, et revenir chez les Hellènes, pour reprendre ses rotations, en place gauche, et retrouver le ciel toujours bleu qui est l’environnement naturel des pilotes.
La question se faisait de plus en plus pressente.
Dès le réveil, que ce fut à Rome, Istamboul, Tel-Aviv ou Téhéran, la question était là, devant ses yeux : combien de temps ? L’oncologue avait été honnête, mais sans plus : « Avec un cancer de type B3, le pronostic n’est pas génial ». Il n’avait pas voulu accabler l’aviateur, avait hasardé « deux ans, trois peut être, plus avec un miracle… »
Il y avait eu la longue liste des rendez-vous pour des examens qui n’offriraient que des résultats sans véritables espoirs, et d’autres pour des séances de chimiothérapie, le genre de truc qui faisait perdre les cheveux et gavaient l’organisme de produits au-moins aussi nocifs que l’étaient les cellules cancéreuses qui s’étaient attaquées au thymus d’Azarias. Il y avait maintenant la perspective toute proche de la chirurgie.
Soigner l’âme, soigner son âme…
Le commandant Azarias Théotokis, piéton d’un été à Paris, et pour l’instant à quelques dizaines de mètres de Notre-Dame, avait parcouru le document relatant l’histoire de l’église Saint-Julien-le-Pauvre, dont la construction la plus récente, commencée en 1160, s’était terminée bien avant la fin du gigantesque chantier de la grande cathédrale Parisienne. Il avait été frappé par la simplicité de l’architecture du bâtiment, et par l’incroyable sobriété de son intérieur.
Il était en train d’admirer une icône représentant Saint-Jean Chrysostome, quand la tête lui avait tourné…étaient-ce les médicaments qu’il absorbait régulièrement pour l’aider à lutter contre la maladie ? ou bien une séquelle de la dernière séance de chimiothérapie ?
Il avait été soudainement pris d’une irrésistible envie de s’asseoir. Une chaise paillée, un peu à l’écart, l’avait accueilli, et l’homme avait alors fermé les yeux, comme il le faisait souvent quand il voulait se séparer du monde.
Rien, ne penser à rien…ça va passer…
Les icônes…les églises blanches de Mykonos, les Ors, le mystère, les chants de Pâques…que c’est beau, que tout est beau…si seulement elles pouvaient accomplir des miracles…Peut-être devrais-je au moins le demander… ?
Avait-il sombré dans le sommeil pour quelques instants, ou bien était-il simplement passé « autre-part » le temps de reposer son corps ?
Au bout d’une quinzaine de minutes, alors qu’une vieille femme allumait une bougie votive qu’elle avait posé sur un large chandelier, il était revenu au monde et avait ressenti une étrange sensation de plénitude, accompagnée, il lui semblait, par une sorte de chaleur qui courrait dans ses veines.
Soudainement, alors que depuis des mois, il s’était habitué, tant bien que mal, à vivre avec un manque permanent, il se découvrait rempli d’une nouvelle énergie. Il n’y avait rien de miraculeux, il n’y avait eu aucun tour de magie religieuse, pas de bénédiction, pas de voix céleste, pas de vision d’un saint, pas d’adoration d’un bout d’os ou d’une mèche de cheveux, des trucs dont les catholiques romains étaient friands, se souvenait-il.
L’espace d’un instant, il avait écouté le silence qui régnait dans le bâtiment. Il s’était même demandé comment, alors qu’il se trouvait au cœur de Paris, dans une église entourée par l’agitation caractéristique d’une grande capitale, il pouvait exister un tel silence propice à la méditation, alors qu’au-delà des murs, des centaines de touristes occupaient les terrasses de cafés, les sièges des restaurants, les tabourets hauts des bars de la rue Saint-Jacques.
L’homme était ressorti de Saint-Julien-le-Pauvre. Il avait traîné un peu, rue Saint-Séverin. C’était certain, il se sentait différent, non pas que sa fatigue avait été chassée de son corps, mais elle était devenue plus acceptable, un peu comme si, d’une ennemie sournoise, il avait fait une amie attentionnée.
Un autre homme, je te dis…
« C’est fabuleux » avait-il pensé « il doit y avoir une énorme énergie dans les murs de cette église ? Plus de huit-cent ans de prières.. c’est peut-être pour ça que je me sens si bien. »
Au cours de ses voyages, répartis sur plus de vingt années, il avait appris ce que pouvait être la mémoire des murs, des personnes, et des lieux. Il avait ressenti cette sensation de bien-être, une fois déjà, en montant sur le toit du Saint-Sépulcre de Jérusalem, et une autre fois, également, dans la basilique Saint-Pierre-aux-Liens, de Rome. Il n’aurait jamais pu penser que Saint-Julien lui ferait cadeau d’un tel présent. Il était sorti de l’église, se sentant dix ans de moins. Son petit guide de Paris rangé dans la poche arrière de son pantalon, ses lunettes de soleil sur les yeux pour se protéger du soleil couchant qui lui faisait maintenant face, il avait repris le chemin de son hôtel, en marchant, rive gauche. En passant devant le magasin Sennelier, quai Voltaire, lui était venue l’envie de se remettre au dessin…En arrivant à l’angle du Pont Royal, il eut le désir profond de casser la routine de sa vie. Il traversa la Seine, se retrouva sur le quai des Tuileries et continua vers la gauche, vers les « beaux quartiers ».
Là où il aurait mis,avant, plus d’une heure pour parcourir les quatre-kilomètres-deux qui séparaient la place Saint-Michel du « Hilton Suffren », Azarias n’avait eu besoin que de quarante trois minutes.
Une fois revenu dans sa junior suite(10) au septième étage, il avait sorti la liste des chambres dans lesquelles logeaient les membres de son équipage, et contacté chacun pendant, pensait-il, qu’il était encore temps.
Le message était simple, facilement compréhensible, c’était une grande première dans sa vie :
« Καλησπέρα σε σας Kalispera se sas.. (11)
Aujourd’hui, J’ai de bonnes raisons de célébrer la vie, ce soir, je vous invite tous à dîner, je dois rattraper le temps perdu, j’ai plein de choses à vous dire.. »
© 2020 Sylvain Ubersfeld pour Histoires d’U.
Un jeu de carte grec, équivalent à la belote chez nous
Un boisson anisée typique de la Grèce, de la Turquie, et autres pays du Moyen-Orient. C’est un peu le « pastis » régional.
Lycée
Prise en charge de l’équipage par un moyen de transport, pour effectuer le trajet entre l’hôtel et l’aéroport.
Les evzones ont été le nom de plusieurs régiments et bataillons d'élite d'infanterie légère de l’armée grecque. Actuellement, le nom désigne les membres de la garde présidentielle, une unité d'élite cérémonielle qui garde la tombe du Soldat inconnu sur la place Syntagma et le palais présidentiel à Athènes
Forces Aériennes Grecques (Πολεμική Αεροπορία
En juillet 1956, l’armateur Aristote Onassis prit le contrôle d’Olympic Airways après un accord avec le gouvernement Grec.
Une iconostase (du grec ancien : εἰκονοστάσιον, eikonostasion : « images dressées ») est une cloison, de bois ou de pierre, qui, dans les églises de rite byzantin, particulièrement orthodoxes, sépare les lieux où se tient le clergé célébrant (sanctuaire, prothèse et diaconicum) du reste de l'église où se tiennent le chœur, le clergé non célébrant et les fidèles.
La Septante est une traduction de la Bible hébraïque en koinè grecque. Selon une tradition rapportée dans la Lettre d'Aristée, la traduction de la Torah aurait été réalisée par 72 traducteurs à Alexandrie, vers 270 av. J.-C., à la demande de Ptolémée II
L'Église grecque-catholique melkite, Église grecque-melkite catholique ou Église catholique melkite est une des Églises catholiques orientales. Le chef de l'Église porte le titre de Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient, d'Alexandrie et de Jérusalem des Melkites, avec résidence à Damas en Syrie (titulaire actuel : Sa Béatitude Joseph Absi depuis 2017).Le titre de patriarche d'Antioche est également porté par quatre autres chefs d'Église.
Deux parmi les nombreuses spécialités culinaires Grecques. Tzatzíki = Du yaourt épais à base de lait de chèvre ou de brebis, du concombres (râpé, en purée, ou en fines tranches), Dolmadakia= feuilles de vignes farcies de riz, d’oignons et de feuilles de menthe servies froides ou chaudes. Il existe plusieurs versions dont une qui contient un mélange de viande de bœuf et de mouton haché.
Jésus, fils de Joseph
Plus connu sous le nom de Saint-Paul
Il était fréquent qu’une chambre un peu plus spacieuse soit allouée au commandant de Bord, et éventuellement à son second. Cela faisait partie des « privilèges »
Bonsoir à vous.