-DES RONDS DE FUMEE
-GRANDE LESSIVE
-SE TAPER UNE RELIGIEUSE
-RESEAU SOCIAL
-PREMIER MAI
-PAS TOUJOURS TRES NET
-BAVARDAGES
-L'IRREVERENCE
-TRAINS
-LE TOUT DEBUT
DES RONDS DE FUMEE ...
On était monté dans le marronnier de la cour avec deux cigarettes volées et une boite d’allumette de ménage. Assis sur de grosses branches, sûrs de notre invisibilité, persuadés de notre anonymat, on avait allumé le bout de la clope en faisant comme les adultes et en aspirant un petit peu. Les clopes ? des cylindres de tabac blond en provenance du royaume de Grande-Bretagne, des « State Express » sagement rangées dans une boite métallique de couleur jaune…Dessinée sur la boite, une sorte de couronne entourait le chiffre 555.
C’était Anglais…et quand on entendait les parents parler de l’Angleterre avec une grande admiration, on se disait que si c’était Anglais, c’était bien, alors on avait essayé.
Mais la fumée s’échappant à travers les feuilles du marronnier, nous avait trahi, et l’expérience fut rapidement interrompu jusqu’à un prochain essai dans des circonstances qui ne manqueraient pas d’être encore plus discrètes. On voyait les parents fumer, après le déjeuner, après le dîner, alors on pensait que c’était une bonne expérience et bien évidement, il avait fallu braver l’interdit, puisqu’ un interdit n’a d’intérêt que s’il est effectivement violé… ! Peut-être était-ce même la boite à cigarette elle-même qui nous attirait plus que le tabac ? Il y avait en fait plein de boites avec des noms divers et de jolies impressions sur les emballages : les « Craven A » avec la tête du petit chat, les « « Senior Service » qui évoquaient la marine, les Players Navy Cut, pour penser à l’empire Britannique, les Rothmans : sur le paquet on pouvait voir une manche d’uniforme d’un pilote de ligne. Ce futur imaginaire me convenait très bien…On avait varié un peu les plaisirs : il y avait aussi des cigarettes de couleur que le « Mensch » achetait en Suisse : sur la boite en carton était imprimé une petite palette de couleur. Les filtres était recouvert d’une fine couche de simili or : quand tu le mettais dans la bouche, un peu de peinture se détachait pour se fixer sur les lèvres.
Ramenées d’un voyage archéologique en Grèce, il y avait également les cigarettes Papastratos, de forme ovale plutôt que cylindriques, faites de tabac Turc. La boite nous faisait rigoler. Il y avait des inscriptions dans une langue inconnue. Et puis il y avait bien sur les cigarettes « Laurens », une marque que probablement seuls les « bourgeois » devaient connaitre, mais qui étaient absolument infumables.
Nous n’étions pas dans l’habitude de la cigarette, nous étions dans celle du défi, alors de temps en temps, des échantillons étaient prélevés dans les paquets familiaux pour être testés dans la clandestinité. Dans la famille proche, régnaient les Fontenoy, les Marigny, les Gitanes jaunes… La tante Aline et son paquet de Fontenoy, la tante Mireille, sa Renault « 8 » et ses Marigny, l’oncle Roger avec son inévitable paquet de Gitanes, l’autre cousin, Jean, qui ne fumait que des cigarettes « papier maïs ». Curieusement, c’est en premier par le biais de ces paquets de cigarettes que commence toujours, aujourd’hui, la chasse aux souvenirs… « Ah, oui, Aline, tu te rappelles, elle fumait des Fontenoy… des Fontenoy ? t’es sûr ? Ce n’était pas plutôt des Royale, avec un trois-mâts dessiné sur le paquet ?» …Au Lycée Montaigne, mon camarade Ducouëdic fume d’étranges cigarettes que l’on achète par paquets de quatre. Ducouëdic est un bosseur, il réussira dans la vie, c’est le seul mec sérieux que je fréquente, les autres sont tous des demis-voyous, des rebelles, des fils de rien. Ducouëdic m’offre souvent une cigarette à la sortie du Lycée, alors que nous traversons la rue Auguste Comte pour marcher au soleil le long de la grille du Luxembourg en direction du Boulevard Saint-Michel. « Avale la fumée » me dit-il, « tu verras, c’est vachement mieux. Je viens de le faire, j’ai eu des éblouissements » … J’avale la fumée, c’est crade, ça fait tousser, mais bon, si Ducouëdic l’a fait, c’est que ça doit être bien, et je reprends mon autobus « 38 » en route vers Alesia, avec au fond de la gorge le gout amer du goudron. En 1967, Ariel est discrètement mentholée et propose fraîcheur et détente à un aimable jeune couple qui regarde gentiment un étrange petit oiseau.
(Celtique : des cigarettes qui faisaient mâle…)
L’imaginaire lié au sexe, à la femme, à l’homme modèle, délivre ses messages subliminaux que j’ai bien sûr hâte d’intégrer dans le fond de mon cerveau. Les publicitaires du tabac sont à l’œuvre et, oui, l’imagerie qu’ils produisent m’enchante véritablement, je suis perméable des neurones, mes yeux sont grand ouvert sur les messages visuels, qui se transforment en pensées secrètes, en visions parfois indécentes, le tout amenant à la disparition de l’argent de poche rapidement transformé en ce que je peux m’offrir, à défaut de piquer dans le stock varié des parents. Quelle marque je fume ? je ne sais pas, je fume dès que l’occasion se présente…une sale habitude ? Non, c’est chié je te dis, c’est marrant…Pendant cette époque encore « lycéenne », les fumeurs se posent tous la même question : un frère ainé, un cousin plus vieux, un copain plus âgé, fait-il son service militaire ? Si oui, voilà un filon à exploiter puisque dans les casernes, les militaires « touchent » des « troupes », des cigarettes faites d’un tabac qui arrache la gorge mais satisfait ceux d’entre nous qui commencent tout doucement leur cheminement d’accro à « l’herbe à Nicot ». Si tu as de la chance, tu peux mettre la main sur un ou deux paquets au papier couleur bleu délavé, des Gauloises, avec un joli casque sur le paquet pour te rappeler tes origines et le ciel qui te tombera un jour sur la tête.
Sous le paquet, le mot « TROUPE » est clairement visible et dénonce son détenteur comme appartenant volontaire, ou forcé, à la gent militaire. Depuis déjà un bon moment, on fume dès que l’occasion se présente, dans les toilettes, derrière un arbre de la cour de récré, la clope discrètement cachée à l’intérieur de la main mise en forme de coquille. On fume devant les nanas, ces petites minettes acidulées que chacun rêve de tenir près du corps à une « boum » un soir de week-end. On fume parce qu’on trouve ça marrant, on fume par habitude, on fume parce qu’on a vu les pubs pour les clopes, on s’intoxique parce qu’on veut être « encore un homme qui fume Clan », et sur lequel une femme, une vrai, se retournera certainement ! Le cowboy de Marlboro, on s’en fout un peu. « Les blondes, ce n’est pas de vrais cigarettes » …et pourtant, Jéhovah sait si je déteste ces infâmes cylindres de tabac brun, tellement brun qu’il en est presque noir, les Gitanes filtre, les Gitanes sans filtre, les Boyards blancs ou « maïs », ces « super-Gitanes » à l’imposant diamètre. Le souci est bien souvent le retour à la maison. Il faut cacher cigarettes et matériel d’allumage de façon à ce qu’il puisse être récupéré le lendemain sans trop de difficulté. J’ai trouvé des « planques » sous le tapis du grand escalier, au dernier étage de l’immeuble. Entre l’épaisse moquette bordeaux tenue à l’escalier par des barres de cuivres que la gardienne astique régulièrement, et le bois de la contre-marche, il y a un espace suffisant pour y cacher tabac, cigarette, allumettes, et même un briquet à essence.
(Fumer la pipe ? un art masculin qui mettait apparemment les femmes à genoux, c’est cela l’idée du message subliminal ?)
Il suffit le lendemain de récupérer le tout avant de partir au Lycée. Parfois, déception : le matériel tabagique a disparu ! la gardienne, en faisant briller une barre en cuivre, a dû voir le ou les paquets et, à défaut d’en connaitre le propriétaire, a rapatrié le tout vers sa loge. Il est alors hors de question de réclamer quoi que ce soit, au risque d’être identifié comme fumeur, et d’être trahi auprès des parents par un ou une concierge en mal de ragots ou de confidences malintentionnées. « Ah, Madame U. Je ne sais pas si je dois vous le dire, mais j’ai trouvé des paquets de cigarettes sous le tapis pas très loin de votre appartement…votre fils, peut-être ? » De quoi elle se mêle celle-là ?
Guerre au Vietnam, explosions contestataires, manifs, syndicats, mouvement ouvrier…bordel…qu’est-ce-que ça fume. Le grand gagnant : l’état. A l’ouvrier, la production nationale distribuée par le SEITA, ce collecteur de taxes qui régente la distribution des cigarettes dans l’hexagone. Gauloise, Léon un p’tit blanc sec… Aux bourgeois, le choix entre les paquets Français, et les tabacs de Virginie, de Turquie, de partout, des trucs plus chers qu’ils peuvent se payer. Aux fils et filles de bourgeois, jeunesse dorée et gâtée qui commence à s’éveiller à la révolte, la pipe pour les uns, des cigarettes blondes pour les unes, des « américaines ou des anglaises », pour les autres. C’est bien, on a chacun ses gouts. Gauloises blondes : la liberté, toujours, indique l’affiche, réalisée avec la validation de l’état : chaque paquet vendu rapporte bien sûr beaucoup d’argent, bien plus que cinquante-pour-cent du prix de vente.
Si t’es quelqu’un de bien, tu fumes, comme un acteur, comme un philosophe qui habite Montparnasse, comme un chanteur qui habite Place Dauphine, comme plein de gens que tu admires, comme Albert Camus, même, l’homme de « La Peste ». Imagine- toi que fumer ta cigarette te fait ressembler un peu plus à un ado en devenir. C’est magique : un petit cylindre de tabac, les filles vont toutes tomber à tes pieds. Les filles n’aiment pas les gamins, elles aiment les hommes, les vrais, ceux justement qui pourront offrir le paquet de clopes autour d’eux en disant : « t’en veux une ? » alors que les autres regarderont ça en disant « Ouah, tu fumes ? tes parents, ils disent rien ?
Les filles, elles, regardent bouche bée ces demi-portions d’homme qui savent faire des ronds de fumée en exhalant après avoir tiré sur une « Lucky » ou une « Peter »…Et toi, même si tu te poses pas encore trop de question, tu vois effectivement dans cette cigarette, un point de repère sur cette route vers la liberté et l’état d’homme que tu finiras bien par atteindre…et parmi les justificatifs que tu engranges en prévision des discussions interminables avec les parents, le jour où ils sauront, tu ranges sagement au fond de ta mémoire la liste des grands hommes, des femmes de sciences ou de lettres, toutes et tous fumeurs devant l’éternel : De Gaulle, Churchill, Jo Staline, le président Coty de ton enfance, l’acteur Jean Gabin, le grand Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo….,Georges Brassens, et même le commandant Cousteau, si, si, je l’ai vu……un plein d’arguments qui pourront toujours servir….enfin, tu le crois.
Je suis devenu fumeur par habitude, avant de devenir fumeur par confort, puis fumeur par goût. J’ai même eu la chance de pouvoir expérimenter des cigarettes improbables dans des pays du bout du monde. J’ai trouvé un jour en Somalie un paquet de « Roth Händle » fabriqué dans la Forêt Noire en Allemagne, et en Malaisie, j’ai pu acheter dans un bar un paquet de cigarette Polonaise « Mazurskie » probablement tombé de la poche d’un marin en goguette. J’ai pris goût au petit tube que l’on allume avec un bout de bois, ou une flamme au gout d’essence, j’ai pris goût à cette première bouffée qui te fais de moins en moins d’effet tout en te dessinant, sans que tu le saches, les contours du piège… J’ai adoré pendant longtemps, savoir que dans ma poche de chemise se trouvait de quoi sacrifier à mon petit rituel : bourrer cette pipe qui, avec moi, traversait le monde d’est en ouest et du nord au sud. J’ai aimé pouvoir résoudre tel ou tel problème en Afrique ou en Europe de l’Est avec des cartouches de cigarettes qui signifiaient beaucoup plus que simplement quelques billets verts glissés discrètement dans une poche.
J’ai aimé cette fraternité de fumeurs qui te ferait offrir du feu à ton pire ennemi, ce besoin vital de récupérer un mégot un jour de manque, cette nécessité de tenir entre l’index et le majeur quelques secondes concentrées du voyage sur les nuages de la nicotine toute puissante. J’ai apprécié cette tranquillité d’esprit que me procurait la vision d’un emballage translucide contenant dix paquets, de quoi tenir quelques jours. Une marque préférée ? Je m’en foutais, c’était selon...Ça dépendait des souvenirs ou des évocations dégagées par le graphisme du dit paquet, de l’emballage, c’était selon les couleurs, selon les moments de ma vie, selon ma perméabilité aux messages des cigarettiers, selon ma faiblesse, selon mon addiction, selon ma boisson, selon l’endroit du monde où j’avais échoué pour quelques heures ou quelques jours, et même parfois selon la « femme du moment » qui partageait ma vie, fumeuse ou non, mais le plus souvent, oui…. « Fumer l’cigare, « Ah que c’est bon de fumer l’cigare « Ça me met du vide dans la tête « J’ai le cerveau comme une » cacahouète… » dit la chanson d’Eddie Marnay…
« Mesdames, Messieurs, le commandant vient d’autoriser les passagers à fumer en éteignant les panneaux -no smoking-… Nous vous demandons toutefois d’éviter de fumer la pipe ou le cigare ».
C’était juste après le décollage. Une fois les panneaux « no smoking » éteint, les fumeurs se ruaient vers les paquets de cigarettes, battaient briquet ou frottaient allumettes, et la cabine se remplissait rapidement d’une fumée bleutée à l’odeur indéfinissable dans laquelle se mélangeaient les effluves de tabacs du monde entier. Dans les chemins de fer, pas besoin d’attendre que le signal s’éteigne, Il n’y avait pas de signal, il te suffisait de choisir une voiture pour fumeur, et tu retrouvais vite les odeurs familières auxquelles tu t'étais habitué. Au « free shop » des aéroports, des plus grands aux plus humbles, les cartouches de cigarettes encombraient les étagères. On se hâtait de présenter son billet et d’acheter bien moins cher qu’au pays, des tabacs de Virginie ou du Kentucky, des tabacs Chinois, Turcs ou même Français, ce tabac gris et âpre que l’on nommait « Bergerac ». « Il me reste des clopes ? » Rapidement, on est dans l’anticipation du manque…il faut avoir ou trouver le débit de tabac « de garde », comme on doit pouvoir trouver rapidement où se trouve la pharmacie également « de garde ». Merde alors aux débitants qui ont l’audace de partir en congé au mois d’Août, t’obligeant à partir à la chasse au paque de Gauloises ou de Winston, honte aux mercantis qui baissent le rideau de fer en te privant de ton paquet de tabac à pipe.
(La main rouge ? des cigarettes Allemandes infernales…)
Bon, tu as fait tes comptes, tu sais que l’état te pique ton blé, et que toutes les raisons lui sont bonnes pour collecter impôts et taxes, alors tu te dis que tu vas faire tes cigarettes tout seul, avec une petite rouleuse en métal, le modèle de base…et puis tu te dis ensuite que tu vas essayer le modèle au-dessus, une boite qui combine un espace pour mettre le tabac et un astucieux mécanisme pour rouler une cigarette en un claquement de doigt et une léchouille sur le bord du papier gommé. C’est bien, mais ça prend de la place dans ta poche arrière alors tu abandonnes l’idée, et tu reviens à tes habitudes premières, la question restant toutefois paquet souple ou paquet-carton ?
Et pendant ce temps-là, le piège que tu t’es construit se referme doucement sur toi et te prive de ta liberté.
Dans ta catégorie « fumeur » tu deviens un champion alors que tes pas sur un chemin en côte ou sur une colline se font plus difficiles. « Homme libre, toujours tu chériras la mer » …oui, je la chéris mais je ne suis plus libre puisque je traîne avec moi mes cigarettes, une boite à mégots, et que je fume sans plaisir en regardant les non-fumeurs qui sont, eux, les vrais « Hommes Libres », les grands gagnants de la respiration à plein poumons…Le jogging sous les pins avec odeurs de sève obligatoire a déjà disparu de ma mémoire : je ne peux plus courir, je ne peux plus sentir. Oui, il y a longtemps, j’avais divorcé du tabac et, en me levant à trois heures du matin pour échapper à la foule, je joggais dans les rues de Kowloon, de Lagos, de Boston ou d’ailleurs, avant de rentrer à l’hôtel prendre un petit déjeuner pantagruélique…
Et puis un jour, pendant une guerre, le tabac était revenu…Les voyages à Surabaya n’étaient pas complets sans l’acquisition d’un ou deux paquets de cigarettes Kretek au clou de girofle…Les déplacements en Afrique justifiaient l’achat de « Tusker » ou de « Gold Seal » …Les passages en Colombie permettaient d’acheter une ou deux cartouches de « Mustang ».
Sur une base de la Royal Air Force, pendant la guerre des Malouines, j’avais même repris goût aux cigares, les infâmes « King Edward » qu’on pouvait acheter peu cher au mess des officiers, faute d’avoir accès aux barreaux de chaise des capitaines d’industrie.« Merde, il faut aller chercher des clopes » …Encore dix paquets qui se sont volatilisés…je n’ai même pas eu le plaisir que j’en attendais…la frustration s’installe : comment ? j’achète, je fume, je n’ai rien en échange ? sinon cette vague sécurité au bout des doigts, ce geste « éternel » de tenir dans la main un petit bout de rêve auquel tu donnes toutes les vertus, tellement tu y tiens… Alors, on fait quoi ? On se sépare pour toujours d’avec les "clous de cercueil" ?
(Des ronds de fumée, l'étouffement à petit feu…)
Peur de l’inconnu : que serais-je sans toi, petit bout de tabac, toi, geste familier accompli des milliers de fois sans doute, autour d’un verre, devant la vision d’un coucher de soleil, après avoir vaincu le défi du temps, avant de se plonger dans le sommeil, après avoir bu un expresso à Rome, une bière à Cologne, un petit verre de Brennivin à Keflavik, une mauresque à La Seyne-sur-Mer, en pensant aux ouvriers des anciens chantiers navals ?
Et si je franchis le pas, que va-t-il se passer ? Vais-je devenir fou, agresser mon prochain dans la douleur physique d’un sevrage violent, commettre l’irréparable en m’introduisant dans une veine l’aiguille d’une seringue pleine d’une décoction de nicotine, voler le paquet de cigarette d’un accro au tabac et allumer en même temps la totalité des cigarettes trouvées pour fumer simultanément l’herbe à Nicot des petits cylindres ?
Nom d’une pipe…ça ne se passera pas comme ça ! Curieux… Ça ne se passe pas comme ça… On dirait que mon corps en a eu assez et a fabriqué son propre patch… On dirait que ça dure… Mais pour combien de temps ?
GRANDE LESSIVE
Depuis que ma princesse Léa est sortie de son école de commerce, je regarde la vie différemment ! Au Griffith Collège de Dublin, d’érudits professeurs lui ont enseigné tout ce qu’une jeune fille devait savoir dans le domaine de la création des besoins, de leur assouvissement, du benchmarking, du « below the line », du « blind test », comme du « cœur de cible »Si dans une de mes existences précédentes j’étais une femme, j’ai probablement gardé des séquelles d’une vie domestique agitée, emprisonnée entre les lessives d’une famille nombreuse, penchée sur une lessiveuse de l’ancien temps ou agenouillée dans un lavoir le long d’une rivière. Peut-être la « Mère Denis » et moi avions des points communs ? Aurais-je été cobaye pour Procter et Gamble, testeur chez Henkel ou Sara Lee, « nez" chez Unilever, laborantin pour Colgate-Palmolive, examinateur olfactif pour Rickitt-Benckiser, ou simplement PDG de SC Johnson ?
Une chose est sûre : a un moment de ma vie, sans que je ne le sache, j’ai dû bosser chez un lessivier. Les marketeurs m’ont étudié, ont visité le tréfonds de mon âme, ont disserté sur mes désirs secrets, sur les images qui défilaient devant mes yeux alors qu’ils me faisaient respirer des lessives de couleurs différentes dont le parfum me faisait partir en voyage, dans un endroit où j’étais déjà allé, sans savoir où c’était. Ces mêmes marketeurs ont compris que j’étais sensible aux couleurs pastelles, aux évocations champêtres, et que dans le fond de mon cerveau, des messages graphiques ou bien de mystérieuses odeurs pourraient modifier ma volonté, influencer mes choix, me faire courber l’échine en me faisant prendre des vessies pour des lanternes, et un liquide à laver pour un viatique contre le mal être. Plus besoin d’inventer une machine à voyager dans le temps puisqu’il existe maintenant de quoi te renvoyer dans ton enfance, dans ton adolescence, dans les jupes de ta mère, dans les pantalons de ton père.
Dans le futur ? Non, on ne peut pas y aller en respirant de la lessive puisque le futur n’existe pas. Par contre oui, te retrouver devant la machine à laver à gaz de ton enfance, ça, on sait faire, partir dans un autre monde sous les tropiques, on sait faire aussi, te renvoyer dans les années cinquante ? garanti sur facture si tu tombes sur le bon produit. Aller, hop, on dévisse le bouchon, on ferme les yeux et on sniffe un grand coup. N’aies pas peur d’en prendre plein les narines, c’est moins dangereux que d’être éthéromane et ça fait du bien le temps d’une lessive, ou de plusieurs, ça dépend du linge à laver et de toi aussi bien sûr.
Est-ce un jour à lessive ? Du blanc plus blanc que blanc, de la couleur qui ne doit pas « passer » au fil des années, au fil des lavages ? Comme si c’était tellement important d’arrêter le temps, de ralentir le processus. Je lave plus propre, je suis une lessive qui remet en état, je suis une lessive qui enlève les tâches du linge, comme on enlèverait les difficultés du quotidien, comme on éliminerait les souillures qui marquent peut-être le passé. Il faut laver, tout laver, mais le choix est tellement énorme que la tâche de choisir celui des produits qui ira traquer la crasse dans les moindres recoins de ton plus beau chemisier, ou de ton polo, est encore plus difficile que de mettre dans la machine à laver un peu de produit et un peu d’adoucisseur. De l’adoucisseur ? Ah oui ! …ce truc qui sent bon et qui rends ton linge plus souple ? Attention, ne pas confondre et là, ça se complique un peu. On va expliquer cela à la mère Denis…
(La nana, elle étend son linge en pleine nuit, il y a des étoiles dans le ciel…sur que ça va mieux sécher, non ?)
Aujourd’hui tu vas apprendre que l’assouplissant redonne de la souplesse au linge et facilite le repassage, alors que l’adoucissant adoucit le linge, le rends plus moelleux surtout pour les serviettes de bains qui ont tendance à être rêches une fois lavées. L’adoucissant, lui parfume aussi le linge ce que l’assouplissant ne fait pas…Chez les lessiviers, on a étudié le vocabulaire et ceux qui auraient souhaité développer un produit miracle qui serait à la fois adoucissant et assouplissant ont déjà été mis dehors…une telle invention aurait risqué de coûter de l’argent à l’entreprise…Redonner de la souplesse au linge ?
Chemise psychorigide, pantalon sur de son bon droit, chandail qui campe sur ses positions, allez, on va mettre le tout au lavage avec un petit coup de produit et ça ressortira transformé, capable de s’adapter de nouveau au corps, sans gratter ou gêner les mouvements.
Qu'est ce qui a besoin d’adoucissant ? Seulement tes serviettes de toilettes, es-tu bien sûre ? Et toi, tu n'en aurais pas besoin par hasard ? Souplesse, douceur, odeur, couleur…tout cela pour une lessive ? Les arbres ? les Îles du Pacifique, les évocations qui te font croire que tu ne fais pas la lessive, ou qui transforme le temps du linge à laver, en temps de voyage exotique, pour que tu aies une impression de liberté alors que tu sais très bien que tu ne pourras pas porter indéfiniment le même T-shirt ou le même jean, et qu’au lieu de faire autre chose, tu vas devoir faire une machine.
Alors toi, t’es comme un crétin, devant ton étalage énorme avec des jolies flacons en plastique, et tu commences à rêver…enfin je dis « toi », mais je devrais dire « moi » puisque c’est chez moi que les lessiviers ont découvert autant d’échos exploitables dans mon cerveau reptilien.
Allez, une petite dose de liquide et tu vas te ressourcer aux Seychelles, sept-mille-neuf-cent-cinquante-six kilomètres entre Victoria, la capitale, et ta machine à laver, parcourus en quelques secondes, le temps de décider si oui ou non tu vas acheter ce liquide jaune qui te fais penser au soleil dont tout le monde a besoin…
On t’a fait une queue de poisson sur le parking du supermarché, un « étranger » en plus ? Tiens, voilà une lessive qui devrait te convenir puisqu’il y a sur le flacon un coq qui te rappelle que tu es « gaulois », et que tu mérites du respect… Tu as un coup de blues ? Oui, bien sûr, je suis d’accord avec toi, c’était mieux avant, dans ton enfance voilà un autre produit qui existe depuis mille-neuf-cent-dix-neuf, l’enfance de ta mère peut être…voilà un dessin sur le flacon, avec une jeune femme, des étoiles dans le ciel, et deux taies d’oreillers, ou est-ce deux torchons, tout blancs. Sur le visage de cette femme, on peut même voir de la sérénité : elle a fait sa lessive, elle est satisfaite. En plus, c’est de la lessive au savon noir…souviens toi…c’était il y a bien longtemps, l’odeur de cette pâte qui sentait si bon, et qui pouvait tout laver…Tu es plutôt adepte du luxe ? Bijoux, bracelets, colliers de perles ? Voilà un produit qui devrait te permettre de te sentir bien : il y a des perles dedans, et en même temps tu vas te retrouver dans un champ de coquelicots, à l’époque du temps des cerises, ce temps du renouveau, de la pureté et de la prospérité. En un clin d’œil, te voilà même au Japon lorsque les fleurs de cerisier tapissent le sol du « Nihon Tehei », le jardin Japonais qui figure sur la photo en couleurs. Tu as même envie de marcher sur les pétales de fleurs tellement c’est chouette…Pour arrondir les angles, tu vas adoucir ou assouplir ton linge…tu ne sais pas encore ce qui est le mieux…peut-être faut-il cajoler le gros pull en laine que tu as ramené d’un voyage en Irlande ?
Ça-y-est, j’ai ce qu’il faut …ou alors tu penses que ta serviette de plage te serait reconnaissante de ressentir un peu de chaleur exotique qui lui rappellerait les vacances d’été ? J’ai aussi cela sur l’étagère. Mais attends, j’ai encore mieux : tu peux même avoir la sensation d’être au Paradis, je te dis ! Oui, au Paradis, avec les saints, la bouffe gratuite, les anges et tout le tremblement, avec en prime la découverte d’une « divine envie » que tu auras ressentie quand tu te seras frotté au parfum de « l’espiègle » ou de « l’audacieuse ». Je ne sais pas si c’est la même chose pour toi, mais j’ai souvent pensé qu’au travers de la recherche d’une lessive, c’était un peu comme si on cherchait un moyen fiable de se « laver l’âme, peut-être même le corps », transformer notre « propre sale », en propre, adoucir les rugosités de la vie, assouplir peut-être même tout ce qui peut être rêche dans le quotidien…replonger dans la douceur possible d'il y a "bien longtemps" …retourner en position fœtale et au monde aquatique.
Alors j’ai bien regardé sur les étagères du supermarché, et j’ai trouvé le truc idéal qui pourrait convenir à mes chemises ou mes serviettes, comme à mon âme : sur le flacon d’assouplissant, il y a marqué « Soin Complet » ...Celui-là doit faire du bien aussi à l’âme, non ? : tu vois, sur le flacon il y a des cœurs dessinés…
(Un soin « complet » pour s’assouplir l’âme ? Rendre le monde sans aspérités ? Des sensations paradisiaques et un plaisir intense ? Allez, l'orgasme de la ménagère ne doit plus être très loin, et les lessiviers prennent les gens pour des billes...)
SE TAPER UNE RELIGIEUSE
« Et si je me tapais une religieuse ? » Ça y est…la plaisanterie graveleuse est sortie. En fait, cela fait partie d’un plan beaucoup plus étendu : celui de prendre le thé, mais attention, pas un thé idiot en sachet, sans goût, sorti d’un vague boite en carton sans aucun intérêt graphique. Je te parle d’un vrai thé, de chine, fumé ? à la bergamote ? les deux peut-être, un thé qui sort d’une boite en métal avec des caractères chinois ou japonais, un thé qui va t’ancrer dans ton fauteuil pour que tu ne puisses plus en sortir, un thé qui va marquer la fin de ta journée, la fin de ta quête, alors que tu avais encore plein de choses à faire, ou du moins c’est ce que tu pensais…La religieuse, tu savais déjà que tu allais te la taper, puisqu’elle attendait sagement au frigo les deux ou trois coups de dents qui vont abréger sa vie pâtissière : un coup de dent pour la tête, deux coups pour le corps, pour son gros corps rempli de crème pâtissière parfumée au café ou au chocolat. La religieuse, c’est en fait l’excuse, le vrai plaisir caché c’est l’association de ce thé qui marque la fin de la journée avec la consommation de ce gâteau, le tout associé à la possibilité d’un trait d’humour. Tu as donc monté un véritable complot : acheté la pâtisserie crémeuse dans un but spécifique, celui de la consommer dans le cadre d’une opération précise : prendre le thé.
(Mordre à pleines dents dans la crème pâtissière....un plaisir de gourmet...)
(Une fois mangée, la religieuse sera chocolat, même si c'est fort de café...)
Le plaisir n’eut pas été le même si au lieu de cette religieuse, un importun, ou un opportuniste, t’avait apporté un Paris-Brest, un Mille-Feuille ou un Gland…puisque dire « si je me tapais un Paris-Brest » n’aurait pas déclenché la jubilation exprimée par les grands et petits zygomatiques à la pensée de cette religieuse qui après avoir tenu le coup dans son couvent en vitrine, va passer un mauvais quart d’heure.
Pour que le plaisir de se taper une religieuse soit considéré comme un plaisir majuscule, encore faut-il que certaines conditions soient de préférences réunies : la pluie à l’extérieur, la religieuse qui vient de chez un vrai pâtissier, devant lequel les bourgeois bien-pensants et bien pansus font la queue le dimanche matin; il faut aussi le temps de prendre son temps, la possibilité de se plonger au même moment dans la rêverie incongrue, celle qui te renvoi vers des souvenirs que tu es le seul à connaitre. On aura bien sûr aussi la compréhension de l’autre, du compagnon ou de la compagne de théière, a qui tu n’auras pas oublié d’expliquer l’importance de la communion entre ta propre langue et la crème pâtissière de l’aimable nonne, celle qui sera chocolat, même si c’est un peu fort de café....
RESEAU SOCIAL
On a que l’âge de ses sphincters !
Hélas, ce matin, en ouvrant mon écran pour prendre contact avec mon compagnon du quotidien fondé par le très médiatique Mark Z……… et quelques associés, cette triste réalité m’a sauté aux yeux en recevant un lien vers une marque de couches culottes produisant des articles pour femmes et hommes, mettant ceux qui souffrent de fuites urinaires à l’abri du regard des autres. Bien sûr, vu mon âge, il serait presque normal que ma prostate se délite, ou bien fut enlevée par un urologue, de préférence renommé, afin de préserver l’intégrité de mes muscles bulbo-spongieux !
Quelques clics plus tard, j’étais rassuré par un article très sérieux en provenance d’outre-Atlantique offrant un test bienvenu. L’article indiquait que les plaisirs d’Onan, pratiqués avec régularité, constituaient un moyen de lutter contre le cancer…malheureusement, rien ne spécifiait si le cancer du poumon entrait dans la catégorie des maladies évitables grâce à l’utilisation de « travaux manuels ». J’ai toutefois effectué le test en question et j’ai découvert sans surprises que je n’étais qu’un branleur ! Mais ça, je le savais déjà…et pourtant, d’après le réseau social en question, au moins sept de mes amis sur ce réseau social, y compris deux hommes, sont déterminés à coucher avec-moi ! Dois-je m’en réjouir ? Faut-il alors que j’y songe avant cette sacrée opération qui ferait de moi un utilisateur à vie des produits T… régulièrement tant vantés ? A voir…
Le choix de nombreuses positions me fut offert par un autre « ami » sur ce réseau social, un de ces "amis" sur lequel j’avais cliqué pour indiquer mon appréciation, et qui, depuis, ne me lâche plus la grappe. Le test m'informe en fait que sur les trois positions proposées pour une rencontre de grande proximité, une seule est compatible avec l’état de mes vertèbres, mais rien ne dit que ma partenaire pourrait réaliser la gymnastique sensée l’amener au huitième ciel. Le magazine fondé par Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1953 a fait beaucoup de progrès dans sa façon de traiter l’information. Sa version électronique m’apprend ce 18 juillet 2017, et sans aucunes sollicitations de ma part, pourquoi se mettre des paillettes dans le vagin n’est PAS une tendance mode, information toute relative qui a donné lieu à 291 commentaires et 157 partages. Incrédule, peu au courant de ces nouvelles pratiques j’ai appris qu’ « un vagin pailleté qui a le goût de bonbon : telle est la promesse des capsules de Passion Dust (littéralement, "poussière de passion" en anglais) largement relayée sur internet ces derniers jours. "Passion Dust a été créé par une femme pour les femmes et les couples voulant ajouter du fun et du goût à leur acte d'amour" annonce le site Pretty Woman Inc., société américaine symbolisée par un papillon disco et commercialisant ces petites pilules promettant un "orgasme parfumé ».
Toujours en appétit d’informations exclusive, l’Express.fr, dans sa rubrique Styles/sexo indique que "Quand il regardera son "truc" et qu'il verra que ça brillera tel un bâton d'or 24 carats, il ne sera pas mécontent !" Bon, me voilà également rassuré quant au pouvoir créateur des mercantis qui veulent faire prendre des attributs masculins pour des lingots d’or…alors que le lingot d’or, lui, ne faiblit jamais, bien au contraire puisqu’ en période de crise, l’or, lui se « redresse ». C’est aussi en lisant ce genre d’information que l’on peut mesurer que bien des années ont passées depuis l’époque des premiers émois ou les paillettes d’or se trouvaient dans les yeux de « notre première fille ».
(Il parait que si ta partenaire utilise ces gélules magiques, ton pénis ressemblera à un lingot d’or. C’est ce que m’a dit le réseau social, c’est vrai ?)
Curieuse époque dans laquelle une source d’information « du bout des doigts » fournit (ou pas) de nombreuses réponses à notre quête de savoir. Comme la langue d’Esope, mon ami le réseau social a de bons et de mauvais côtés. Il me rappelle par exemple que je ne suis pas là pour expliquer ma vie aux autres, mais tout simplement pour la vivre…alors je vis, et je continue mon exploration électronique, un œil fixé sur le vert des pins parasol et le bleu pétant du ciel de juillet, et l’autre sur les « nouvelles » qui défilent sur la toile. On me donne cinq conseils pour rafraîchir ma maison, mais pourquoi voudrai-je faire cela ? C’est de mon plein gré que je suis venu dans le sud, justement pour avoir chaud, et donc me trouver donc des raisons de boire. En rafraîchissant ma maison, je n’aurai plus besoin de m’hydrater avec les Frère Gras et leur anisette, ou mon ami de toujours Paul Ricard. Alors je passe….
Heureusement pour moi, il m’est offert la possibilité de découvrir quel est le VRAI statut de mon couple et je réalise alors (après test) que j’ai trouvé quelqu’un qui m’a aussi trouvé…mais bon, ça je savais aussi déjà, et depuis bien longtemps.
Grâce à mon ami Mark Z........., j’ai droit également à ma dose d’humour. J’ai découvert il y a quelques heures qu’il était possible de se fabriquer des tongs écologiques avec deux oignons nouveaux, une aubergine et un couteau !
Cette nouvelle me reviendra en mémoire à chaque fois que je préparerai du « Baba Ganoush » cette purée d’aubergine, entrée-phare de la cuisine Libanaise, mais je doute fort que des tranches d’aubergines, si épaisses qu’elles soient, puissent supporter, même pendant quelques « nanomètres » le poids d’un homme d’âge mur ayant justement abusé du « Baba Ganoush » pendant de nombreuses années au Moyen-Orient !
Moi qui me plaint souvent de ne pas être consulté sur les sujets de société, j’ai maintenant la chance d’être sollicité pour pouvoir donner mon avis dans de nombreux domaines en échange du prochain modèle de téléphone intelligent qui doit sortir en septembre…octobre…novembre…décembre….
Faut-il instaurer la sélection à l’université ? La réponse semble avoir déjà été fournie par le barbu premier sinistre qui indique : « Nous conduisons 60 % de bacheliers à l'échec en licence” et pour qui la solution passe bien par un tri avant l’entrée à la fac avec l’instauration de prérequis, sous la forme d’un contrôle continu par exemple. Alors pourquoi devrais-je réfléchir à une solution différente, moi qui n’ai pas attendu l’échec en licence pour découvrir la vraie vie. J’aurai préféré par exemple que le jeune américain Mark Cropp, qui ne m’a pas demandé mon avis, me contacte, pour savoir si le tatouage qu’il souhaitait se faire faire sur le visage allait dans un futur proche l’empêcher de trouver du travail. Je suis un homme bon, avisé, clairvoyant, généreux avec mon temps et ma réflexion, je lui aurais alors déconseillé ce marquage quelque peu insolite pour ne pas dire manquant de connotation artistique…mais personne ne m’a posé la question et c’est donc après coup que j’ai découvert les difficultés de cet adepte de l’encre et de l’aiguille, pour trouver sa place dans un monde sans concessions aucunes.
(Mark Cropp est apparu sur mon réseau social pour savoir pourquoi il ne trouvait pas de travail. Je n’ai pas su répondre)
Mon ami le réseau social a la langue bien pendue, parfois même un peu grossière, mais comme je me réjouis de l’invective, de l’insulte, allant parfois même jusqu’à louer le genre d’ordures qui apparaissent parfois à l’occasion d’un clic, je ne suis pas choqué quand des messages « citoyen » me disent que je suis un "gros con". Il m’est arrivé de faire le geste inconscient de jeter un mégot par la fenêtre de la voiture, même si c’était en février, qu’il pleuvait à verse, et que je me trouvais sur le port de Brest…rien à faire avec ces « gros cons » qui jettent des mégots en plein été en Corse ou dans le Sud de la France…et pourtant….
(Le réseau social m’a fait comprendre que j’étais un gros con. Du coup, j’ai arrêté de fumer…)
A quinze-heures douze, une grande marque de prothèses auditives, qui a été prévenue sans doute par mon ami Mark Z………m’a fait parvenir un test pour vérifier la qualité de mon audition. Il fallait que je branche mon casque…J’ai préféré écouter les cigales et m’assurer que j’entendais toujours celle qui discute avec la fourmi dans les branches de mon olivier…j’entends encore bien. En plus de ne pas porter de couche culotte, je ne porterai pas non-plus de prothèses auditives, et pour me faire comprendre à quel point je suis un homme d’exception, mon réseau social vient de me suggérer de me déplacer en Jet privé ou en Hélicoptère. L’Hélico, c’était un peu plus passe-partout, mais il n’y a pas de place pour se poser sur le toit du « Leclerc » de la Seyne-sur-Mer, le supermarché ou je vais manger clandestinement des noix de cajou. J’ai tout de même « liké » la page de « Jet France » car depuis un moment déjà, il est dit que je vais bientôt habiter dans une grande maison au bord de la mer, mais je ne sais pas quelle mer, alors si c’est dans celle des Caraïbes, le jet serait d’actualité.
J’aime bien ciseler les mots, alors bien sûr, partout où des mots sont écrits, je les lis…et je découvre que mon réseau social n’est pas imperméable à la haine, aux Illuminati, au Nouvel Ordre Mondial, aux fameux « chemtrails » chers à certains complotistes, aux fausses nouvelles, aux montages photographiques également. Pas morte la supposée domination du monde par un "complot juif", pas mortes les allégations Vichystes sous couvert de Boulevard Voltaire, pas encore épuisés les clichés limitants de toutes sortes que les modérateurs de Mark Z………n’ont probablement pas le temps de filtrer.
Ma vie change au jour le jour…je peux maintenant m’envoler pour Séville à partir de 41 euros, découvrir que le terroriste Abou Bakr Al Baghdadi est mort plusieurs fois mais semble être bien vivant, je peux au gré de ma volonté nominer « la fille la plus chieuse que je connaisse » et apprendre avec tristesse que le livret « A » que je n’ai pas ne m’aurait de toute façon pas rapporté un radis en 2017 d’après MSN.COM.
Je peux également admirer l’audace des jeunes qui se servent du mot de passe de leur petite maman pour aller s’exprimer sur le site informatique du ministère de la culture, ou découvrir pourquoi Winnie l’Ourson a été censuré en Chine. Que du bonheur, je vous dis.
J’aime bien écrire de courtes histoires qui m’aident à passer le temps entre le café du matin et le Gin Tonic du soir. Dans l’une de ces histoires, publiée récemment sur une page dédiée (Paris-Mémoire) intitulée « Bas Résille et Chapeaux Mous, j’avais assorti cette publication de photos dont l’une représentait une strip-teaseuse officiant dans un établissement de Pigalle il y a bien des années. Muni de ses grands ciseaux, Anastasie, née en 1915 et qui a dû faire de nombreux enfants et petits-enfants à travers le monde a purement et simplement bloqué ma publication en me demandant de retirer de la vue la paire de seins de la charmante artiste. J’ai écrit à mon ami du réseau social, il ne m’a pas répondu, mais il a continué à laisser passer les pires horreurs liées au terrorisme, à l’actualité des guerres, aux pillages des nations, aux viols des enfants par des pédophiles en récidive, à la déshumanisation d'une société en mal de repères pour cause d'abondance comme de disparition des valeurs humaines...
Curieuse époque ! De mon temps, une photo de femme nue, tout le monde voulait la voir !
(La femme presque nue censurée par Mark Z………)
PREMIER MAI
Il faut se souvenir de ces grands « manifs » qui battaient le pavé, chaque 1er mai, depuis la fin de la guerre. L’action revendicatrice était surtout l’affaire des ouvriers. Dans les cortèges, on retrouvait les mêmes, les leaders des syndicats qui s’exprimaient à la radio, expliquaient pourquoi la vraie vie ouvrière était tellement dure, et pourquoi les patrons devaient augmenter les salaires. Couleurs, banderoles, façon de s’habiller, on savait qui était qui. On savait aussi reconnaître à la télévision les secrétaires généraux des différents mouvements.
Le premier mai mille-neuf-cent-soixante-huit, il y avait déjà de l’eau dans le gaz entre les syndicalistes eux-mêmes, et entre syndicalistes et étudiants. La CFDT, la FGDS et le syndicat FEN avaient refusé de se joindre au cortège formé par la CGT, le très puissant PCF, le parti communiste Français et le PSU. Le mouvement du « vingt-deux-mars » avait violemment affronté le service d’ordre de la confédération générale du travail. Le « 22 mars ? » ah, oui, les étudiants de Nanterre qui voulaient aller draguer (ou pas) dans les dortoirs des filles, et que le doyen Grappin avait fait évacuer de la fac…Oui, je me souviens.
Un truc dont je ne t’ai pas parlé, c’est l’existence de mouvements d’extrême droite, des gens qui croyaient qu’il fallait être obligatoirement blanc et Français pour avoir le droit de vivre… et que si tu étais blanc, Français et étudiant en droit, ce serait encore mieux. A la tête de ce curieux mouvement nommé « Occident » pour faire un peu défenseur de la civilisation chrétienne, et dont l’emblème était une croix celtique, se trouvaient des admirateurs de Robert Brasillach, des théoriciens de la défense de l’Ouest contre l’Est Marxiste, plein de trucs qu’on ne comprenait pas toujours. Les membres de ce mouvement devaient avoir de l’argent de poche à revendre…ils étaient souvent vêtus de blousons de cuir …
Nous, les néo-manifestants, n’étions pas des blousons noirs. Nous n’avions même pas encore épuisé l’énergie dont nous avions besoin pour danser sur du rock-and-roll. Si une majorité connaissait le premier couplet de l’Internationale, dès qu’il s’agissait de chanter le second couplet ou même le troisième, il y avait un peu moins de monde …et pourtant quand on ne chantait « ni dieu, si césar, ni tribun », ça aurait dû nous enflammer le cœur, ça avait une sacrée gueule, non ? On était plutôt encore axés sur Joe Bennett, Chuck Berry, Eddy Cochran, Johnny Halliday et Buddy Holly…
Nanterre-la-Folie…le fameux mouvement « Occident », celui avec la croix celtique, avait prévu de tenir un meeting sur le campus universitaire le 3 mai…Le 3 Mai ? C’est dans deux jours seulement…vite, vite, on va aller chercher les Comités Vietnam de Base…les militants maoïstes sauront certainement comment faire le coup de poing contre les individus à blouson de cuir.
Nous ? On avait jamais vu ça je te dis… Mercredi 1er mai, jour de grande manif, il ne faisait pas chaud. Un petit maximum de 16°c, pas assez chaud pour laisser le chandail à la maison, pas assez froid non plus pour s’embarrasser d’un anorak. Le long du trajet, il y avait des odeurs de saucisse-frites. Dans le cortège du jour, des étrangers clamaient « non à la dictature » avec un accent qui trahissait l’Espagnol, ou bien le Grec. De part et d’autre, dans cette première manif du mois, encore relativement neutre autant que traditionnelle, on entend également « Halte à l’agression Américaine au Vietnam », « pour les jeunes, du boulot ». « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous. ! » disait le bon Karl. Ils s’étaient donc unis, comme chaque année, mais séparément puisque le corporatisme avait repris ses droits lors de la manif. Imprimeurs de presse en tête, puis métallurgistes, enseignants, ouvriers du textile…ils étaient tout…sauf mélangés. Nous, on ne comprenait pas. C’était trop organisé, trop comme il faut, même les slogans étaient ringards. On entendait l’Internationale, et dans certaines parties du cortège, là où des étudiants avaient réussi à s’infiltrer, on chantait la « Jeune Garde ». Les Cégétistes n’aimaient pas trop, ça faisait un peu désordre……Ils se méfiaient de « nous » comme nous nous méfions d’eux.
En ce premier jour du mois de mai 1968, Il ne pleuvait pas, on avait un brin de muguet à la boutonnière, et c’était « le temps des cerises », des paroles de Jean-Baptiste Clément, dont beaucoup avaient à cœur de se souvenir. Entre la République et la Bastille, les gens marchaient la tête dans les nuages. La plupart étaient là parce qu’ils étaient syndiqués.
(Une manif bien sage du 1er mai 1968, avec cravates, comme si c'était en essayant de ressembler à des bourgeois que l'on pouvait changer la société...)
D’autres étaient venus simplement pour se sentir intégrés dans un mouvement. Beaucoup de ceux qui étaient présents n’avaient pas encore réalisé que vingt-trois ans s’étaient écoulés depuis la fin de la guerre, et qu’il fallait trouver un nouveau modèle de société. Les postiers se croyaient éternels, les métallos étaient certains qu’il n’y aurait jamais de crise de l’acier, les ouvriers du textile n’étaient probablement pas capables de pointer du doigt, sur une mappemonde, l’endroit du globe où se trouvait la Chine. Un an auparavant, la télévision en couleurs avait fait son apparition. On pouvait maintenant voir les cadavres des guerres avec des tâches rouges sur le corps. Cela faisait plus réaliste, plus dangereux, plus pitoyable aussi, mais nous étions en marche vers le progrès. Sans le mouvement à venir, les patrons et les ouvriers auraient continué à ronronner chacun de leur côté. N’était-il pas temps aussi de rénover les façons dont se déroulaient les luttes ? Ne fallait-il pas réveiller ceux qui étaient en train de s’endormir ?
Nous n’y avions pas encore pensé, trop occupés que nous étions à essayer de trouver notre place. Et nous ? dans quelle direction fallait-il marcher ? Avant même que tout ne commence, il y avait déjà des questionnements. « Ça va servir à quoi ? pourquoi ? pour qui tu te prends ? » Pour beaucoup, cela faisait longtemps qu’il n’y avait déjà plus « Ni Dieu, Ni Maître ». Pour d’autres l’heure était venue de se poser des questions sur la relation entre la liberté et l’état. Mais seule une infime minorité savait déjà que « le temps n’attendrait pas » et qu’il faudrait aller de l’avant à marche forcée. Comme l’air du temps était déjà à la contestation, il était possible de remettre en cause aujourd’hui, les idées de celles ou ceux que nous avions adulés quelques semaines auparavant. Quand nous entendions que, pour Lénine, « les excès dans la vie sexuelle étaient un signe de dégénérescence bourgeoise » nous nous demandions alors s’il fallait arrêter d’aligner les conquêtes, ou bien si le salut permissif était plus simplement de fuir nos familles bien nées, sans espoir de retour, pour avoir de nouveau le droit à toutes les débauches sans. Nous voulions vivre nos expériences sans avoir peur d’être jugé, surtout par quelqu’un qui, c’était bien connu, avait lui-même une maîtresse quand il vivait à Paris.
Lénine ?
Un révolutionnaire ?
Un pisse-froid, plus sûrement… !
C'était souvent notre sentiment...
Alors on mettait de côté « L’Etat et la Révolution » et on partait draguer au « Roméo-Club » …
PAS TOUJOURS TRES NET
Le "net" peut être, comme la langue d'Esope, la meilleure et le pire des choses ! Sur la plus grande agora virtuelle jamais crée ou construite par l'homme, il est normal que l'on y croise autant de gens vertueux, que de notaires corrompus, d'avocats véreux, de vendeurs de services malhonnêtes, de faux profils à tendance "recrutement pour guerre de religion", de bourgeois ventrus, de bourgeoises sclérosées par le catholicisme romain et l'Opus Dei, de prometteurs de bonheurs rapides ou éternels, de bonimenteurs du moulin à purée, de scientologues, de privés d’abondance par ce que "tu as cassé la chaîne de transmission de cette promesse et le contraire de ce que tu voulais va t'arriver en pleine gueule"...
Un partage égal entre l'abjecte et le pur, entre le laid et le sublime ? Tout ce que vous voyez est-il crédible ? Tout ce que vous voyez est-il bien intentionné ? Les deux à la fois ? La mariée n'est-elle pas souvent trop belle ?
Le hasard n'est-il pas trop hasardeux ? Faut-il être plus crédule, moins rationnel ? l'inverse ? Où donc est-elle ? Mais qui est lui ?
Incroyable ce truc, allez, je "like" !
Facebook en tout cas est le reflet exact de la vie réelle. Nous y mettons ce que nous sommes au quotidien et le niveau de nos pensées dans la vie " profane" se reflète dans les posts "FB » …mais le reste ?
Quel merveilleux moyen de propager l'amour, des hommes, des animaux, de la nature, d'inciter à la venue d'un monde meilleur ou l'homme trouverait sa véritable place et vivrait dans une sagesse de bon aloi et à la pérennité certaine. Quel bonheur alors d'ouvrir son FB le matin en ne trouvant que des images évocatrices de succès spirituel, de "good vibrations", de cheminement vers l'absolu...Comme disent nos jeunes « « ce serait le top"....Mais quel moyen également de propager la haine de l'autre, la haine de la différence, la haine du jaune, du noir, du laïc, du religieux, du riche, du pauvre, du crétin, du nanti, du bouseux, du bobo…la haine de la société, de l'anarchie, de l'ordre, du désordre...la haine pour la haine, tout simplement….
Depuis les " Protocoles des sages de Sion", brûlot antisémite concocté par l' « Okhrana » à l'époque des Romanov (et repris d’ailleurs par la fiente National-Socialiste des années sombres) et les théoriciens Nazi avec en tête l'infâme Joseph GOEBBELS, sa femme Magda et les petits nazillons, aucune période n'a été aussi propice à la propagande insidieuse de tout poil qui se pose régulièrement sur le net, car jamais la technologie n'avait à ce point associé l'immédiat, les mots et les images...Dans l'ancien temps (une expression que j'affectionne particulièrement) la propagande et le mensonge écrit prenaient le temps de venir à vous. Des rédacteurs pesaient les mots, choisissaient ceux qui faisaient mal, mais pas trop, la bonne invective, la bonne ordure bien grasse. Des typographes neutres composaient les articles dans « Je Suis Partout », « Gringoire » ou « Au Pilori ». Sur le papier journal fleurissaient les diatribes de l'Humanité approuvées par « Москва », les colonnes du Figaro éclairaient les riches, les synthèses de Combat faisaient réfléchir, les appels à la pendaison symbolique du bourgeois de La Cause du Peuple affolaient les biens- pensants, les tristes constatations de "Minute" ou autres feuilles de choux souverainistes, royalistes ou nationalistes, éclairaient de leur faux jugements et suivant les jours, soit "le complot juif" soit "l'arabisation" du pays .
La propagande arrivait presque de façon bonhomme, en prenant le temps qu’il fallait pour fabriquer un journal en vrai papier, avec de l'encre pas sèche qui tachait les doigts, et une propagande qui ne puait finalement pas trop puisque chaque canard avait sa « couleur politique » et que l’on savait d'avance que dans l’Humanité, nul ne trouverait d’ode à la bourgeoisie tandis que dans le Figaro, on tirait quotidiennement sur « l’ours rouge de Moscou ».
Parti tout cela...parti avec les typographes morts de saturnisme, ou d’obsolescence… Parti tout cela et remplacé par les nouvelles technologies avec en tête l'Internet propagateur de fausses rumeurs, de vraies crucifixions médiatiques, d'instantanéité du malheur, de corps brisés dans un attentat terroriste, ou déchirés dans l'écrasement au sol d'un avion de ligne toutes nationalités confondues ! Parti tout cela avec cet internet qui nous parle d'un viol le soir du réveillon (on pleure) et qui quelques heures plus tard nous dit qu'il s'agissait, peut-être, de libertinage ayant mal tourné ? (ouaaaah, incroyable, ça existe ? Putain…la prochaine fois, je veux en être…)
Sacré Internet qui peut faire ressortir nos pires penchants, ceux que l'on cache aux yeux des autres, mais ceux qui nous brûlent parfois le bout des doigts alors que nous abordons notre "moment quotidien de jouissance virtuelle ». Alors rentrons gaiement dans les horreurs du djihadisme, l'ordurerie des extrémistes toute religions confondues, l’immonde antiféminisme de quelques pays aveuglés par une dictature religieuse, la redoutable propagande des populismes européens assoiffés du sang impur, qui pourrait un jour abreuver les sillons du Havre à Vladivostok, du Golfe d'Anadyr aux cotes de l'Afrique du Sud...
Rentrons dans la beauté de la nature, les animaux sympas, les bébés qui rient ou font la gueule en mangeant du citron pour la première fois. Rentrons dans l'horrible tragédie de la misère au quotidien, celle qui n'intéresse pas les politiciens mais qui pourtant est là avec ses tentacules qui s'allongent...s'allongent pour finalement atteindre maintenant des catégories de population jusqu'alors épargnées et les entraîner vers le fond sans fin.
Plongeons dans la solitude des vieux qui ne peuvent plus servir la société et ont l'audace de ne pas mourir jeunes retraités... Gavons-nous de l'ordure que l'on nous sert, et dégustons, quand ils sont à notre portée, les bonheurs visuels ou textuels, puisque nous avons tous à un niveau différent une appétence pour l'abjecte, comme pour le sublime, pour le punitif comme pour le glorifiant, pour le sombre comme pour le Lumineux....puisque nous avons tous une fascinante curiosité pour la Mort, autant qu' une obsédante énergie pour la vie...
Nous sommes tous collectivement responsables du contenu du Web....Nous sommes tous collectivement responsable du contenu de "FB" puisque "FB" évolue suivant "nos" tendance, et que "FB" reste avant tout un outil de prospection commerciale avant d’être un outil de convivialité gratuit (ne rêvons pas, la gratuité en ce monde n'existe pas. Il FAUT qu'il y ait derrière n'importe quel truc mis en place un intérêt mercantile...)
La dualité de l'homme est bien connue, puisque nous sommes capables du meilleur comme du pire, mais sachons rester prudent, il faut savoir raison garder, n'est-ce pas ? et refuser de participer, par ignorance ou manque de jugement, à la propagation de tout ce qui peut aller à l'encontre du prochain, du frère, du réprouvé, de celui qui a perdu son chemin.
Ne soyons pas de ceux par qui le malheur et la haine circulent, mais au contraire ceux qui vont propager les vraies valeurs qui n'ont rien à voir avec la religion, la morale, l'argent, puisque ce sont les valeurs qui viennent du cœur, bien au-delà de ce ""matériel" qui nous bouffe la vie...
Manipulons le net et "FB" comme manipulent les feuilles d'or de quelques microns, ceux qui restaurent les bureaux " empire" du mobilier national : en réfléchissant avant de faire le geste, car une fois le geste fait, il est trop tard, puisque tout est maintenant immédiat.
Devant une technologie de l'instantanée, j'avoue qu'il est difficile de ne pas pousser le bouton "post" tout de suite, tant l'information à diffuser est pressente et l’envie de propager nous brûle le bout des indexes, tant nous sommes sûrs de notre légitimité à imposer aux autres notre vision de l'instant, de l'évènement, notre vision du monde...
Montrons-nous plus rigoureux encore que des rédacteurs en chef puisque notre décision, nos idées, la transmission d'une information non vérifiée, peuvent avoir des conséquences allant bien au-delà du simple effet papillon... Réfléchissons donc avant d'insulter, d’aimer, de rire, de pleurer...écoutons cette petite voix intérieure qui nous dit : "attention, y a quelque chose qui cloche dans tout cela ».
Le net et sa fille ainée Facebook n'ont pas de morale, pas de véritables garde-fous...C'est à nous d’établir nos propres limites dans l'utilisation des outils instantanés...
C'est à nous de savoir rester des " Mensch" et de ne pas tout avaler si nous ne voulons pas souffrir d’indigestion.
BAVARDAGES
Même Guillaume PEPY le dit : « en ID ZEN, tu fermes ta gueule » … Bon, ce n’est pas dit exactement comme cela, mais ça y ressemble... déjà quand on voyage avec les riches, muni d’un billet au tarif outrancier de la SNCF « plein pot », on te rappelle que tu dois placer tes appels téléphoniques depuis les plateformes…mais pourquoi ? Pourquoi une société nationale comme la SNCF doit elle se substituer aux parents de tous ceux qui emmerdent la vie des autres en nous prenant en otages, en nous obligeant à rentrer dans une intimité généralement glauque constituée de querelles domestiques, de souci de garde d’enfant, de gratin à mettre dans le four, d’insultes à partager. Si parfois un simple froncement de sourcils en première classe peut rappeler à l’ordre le distrait qui commence à raconter sa vie sur son portable au vu et su de ses voisins, dans les sous-classes du voyage ferroviaire, tarifées de façon à bien souligner la stratification du paysage voyageur Français, il est plus difficile d’empêcher les épanchements téléphoniques ou les confidences entrecoupées de Mhhhhhh, de Ahhhhh, de Ohhhhhhh ! qui nous ouvrent l’appétit souvent mais nous privent de dessert…toujours !
(Pourtant c’est marqué, mais il y en a qui ne savent probablement pas lire)
De la même façon que le voyeurisme est une sympathique perversion comportementale, n’existe –t-il pas une autre perversion basée sur l’écoute indue des conversations d’autrui ? Surtout lorsque celles-ci sont imposées par tel ou tel voyageur faisant passer son ego avant la sérénité de ses compagnons de voyage…Je hais avec force celles et ceux qui m’ont privé du plaisir des réponses des interlocuteurs. Il est une chose d’entendre ce qui est dit par l’un, mais sans réponse de l’autre, de celui qui est au bout du fil, le plaisir ne peut être que frustration ou imagination. Pour les hommes bavards, grossiers, "conversationnistes" inutiles sur base de coupe de France de foot, de chevaux vapeurs, de Paris-Dakar ou de « mon taulier m’emmerde », je n’ai aucune pitié…Dans mon esprit seulement, et pour cause de totale lâcheté, je fantasme sur l’arrachage du portable et sa destruction immédiate par projection de l’appareil par la fenêtre du train. Pour les femmes volubiles, celles qui s’insinuent vocalement dans ma bulle, celles qui veulent me faire participer à l’aridité de leurs propos téléphoniques, celles qui ont oublié qu’elles ne sont pas seules dans le train, je rajoute une étape intermédiaire dans laquelle est incluse une équipe d’égoutiers de la Ville de Paris (avec les cuissardes), qui saura, par différentes manœuvres, apprendre les bonnes manières à notre « portablophile » afin de la guérir de cette horrible maladie, cette logorrhée qui va de pair avec l’utilisation de téléphones portables de plus en plus performant.
Si encore les conversations, ou les bribes de conversations comportaient des détails évocateurs d’après-midi crapuleux, de rencontres secrètes, d’exploits amoureux, de pique-niques en forêt avec baignade obligatoire dans l’étang et séchage au soleil, si encore je pouvais imaginer la couleur de la peau de l’amant, ou de la maîtresse, si encore je pouvais sentir l’odeur de la mer, là où « on est allé ce week-end, mais si tu sais bien à Etretat, l’Hôtel des Falaises, il m’a prise comme une bête…. », je pardonnerai à demi cette intrusion dans ma sphère privative…. ! Mais ce qui est proposé à mon écoute et souvent fade, inutile, creux, sans intérêt, triste reflet sans doute de la vie du "téléphoneur » addictif ou de la « téléphoneuse » systématique , tous deux abuseurs sans scrupules de l’intimité du plus grand nombre, tous deux « imposeurs » de leur miasmes verbaux, tous deux violeurs de l’oreille, tous deux mal-éduqués sans espoir de changement, donc tous deux voués à passer leur prochaine vie sous la forme d’une carte SIM insérée dans le téléphone d’un bègue !
Combien de fois ai-je eu envie de maltraiter ceux qui hurlent dans leur portable pour couvrir le bruit du train…combien de fois ai-je eu envie de charger de haine profonde le regard agressif que j’ai eu à l’encontre de ces abuseurs de la patience commune… ! J’en aurais tué cent, j’en aurais tué mille, j’aurais couvert de plastic collant armé, la bouche de centaines de femmes, j’aurai privé de leur accessoire téléphonique les centaines d’hommes qui ont pollué mes trajets en RER tant sur la ligne « C » que sur la ligne « B », tant dans les TER de la région PACA, que dans le Ouigo décrépit ou l’ID TGV entre St Charles et Paris–Lyon… Retrouver la certitude d’un voyage tranquille, bercé par les mouvements du train, le bruit des aiguilles à tricoter de la mamie qui va voir sa petite fille à Ollioules, le doux ronron de la climatisation…bref, un monde idéal… ! J’accepterai éventuellement d’être dérangé par les annonces périodiques précisant l’emplacement de la voiture bar….
Que faudrait-il faire pour qu’il en soit ainsi ? Ah ! un brouilleur ! ça existe en vrai ? Bien sûr, mais seuls les prisons et les salles de spectacles sont autorisés à en faire l’acquisition ! Dommage, j’aurai bien aimé connaitre les sensations produites par un nouveau plaisir : priver les gêneurs de la parole, le temps d’un voyage, le temps d’un trajet, et les entendre pester contre leur opérateur qui décidément à une couverture de merde … !
L’IRREVERENCE
Avec l’âge vient soit la sagesse, soit l’irrévérence. Faute d’avoir su découvrir la première, c’est donc à la seconde que je fais allégeance en pratiquant au quotidien une approche particulière du tout comme du rien. Le bon copain Larousse donne de l’irrévérence une définition bien courte en indiquant qu’il s’agit d’un manque de respect !
C’est dans ses synonymes que se cachent les véritables atouts de l’irrévérence avec des mots bien sympathiques pour les rebelles à la littérature aseptisée dont je fais heureusement partie. Je n’appartiens pas à la caste privilégiée des ciseleurs de mots, mais plutôt à celle, certainement inférieure, des besogneux de la phrase et du verbe. Mes complices du jour se nomment désinvolture, impertinence, impolitesse, incorrection, insolence, irrespect, bref, tout ce que peut faire grincer des dents le bourgeois, le curé, ou le " mirlitaire ». Oui je suis désinvolte puisque je manifeste et revendique une liberté excessive et une attitude dégagée, leste et sans embarras ; Oui je suis impertinent puisque je cherche à choquer par la liberté, le caractère déplacé, l'insolence de mes manières, de mes paroles, du caractère de mes actes.
L’impolitesse est ma maîtresse et de par mon caractère et mon attitude qui va à l'encontre des règles du savoir-vivre, je manque intentionnellement aux règles d’une bienséance savamment distillée au cours des années par des pisse-froids, des amputés de l’humour, des gardes-chiourmes de la morale, des rabbins étriqués, des évangélistes obtus, des jésuites obsédés du résultat scolaire. Certains diront de moi que je ne connais pas la valeur des mots, que je ne sais pas ce qu’est le respect, que j’ignore la signification des mots comme mesure, patience, dignité, discrétion, que je me fous des conventions, des moules sociaux, des profils gagnants. Ils auront raison. Je leur répondrai qu’ils ignorent sans doute la signification profonde des mots magiques de mon vocabulaire quotidien comme animaux, arbres, souffle, rire, regard, main, caresse, illusion ou mirage.
Glorifier la rébellion de l’esprit, cultiver l’insolence comme on cultive un parterre de fleur, violer les convenances, casser les tabous, arracher les chaînes des préjugés, voilà mon grand plaisir, mon Coran, mon Nouveau Testament, ma Torah. Je ne donne pas de conseils et ne souhaite en recevoir, sauf de la part de mes frères rebelles, ceux qui ont choisi comme moi la voie de l’irrévérence.
Dois-je insulter ? Dois-je maudire ? Dois-je moquer ?
Voici les questions qui se posent pour moi...
Curieuse manie que celle de tout prendre avec dérision. Profond défaut de ne considérer le sacré qu’avec un regard indifférent. Jésus, Confucius, Lao-Tseu ont-ils fui le vice et pratiqué la vertu ?
(Irrévérence ? non, c''est plutôt sympa,non ?)
J’avais promis de faire de même, mais c’est vers le contraire que je m’en suis allé. Joyeuse irrévérence qui me permet de juger avec mépris les politiciens prévaricateurs, les élus corrompus, les religieux insensibles, les pédophiles qui laissent dans les mémoires des souvenirs indélébiles ou bien ceux qui tremblent devant l’hypothèse d’un jugement dernier, ceux qui ferment leurs volets le soir au lieu de laisser à la pleine lune la possibilité de s’introduire dans la maison pour en chasser le mal. L’irrévérence est ma compagne, le sel de ma vie. Je ne suis pas iconoclaste. La tradition m’est chère, mais la liberté l’est encore plus, cette liberté qui passe par le rejet total des conventions, des emmerdantes conventions qui obligent, soumettent, et classent les hommes en gagnants, perdants, peut être que oui, peut être que non.
Inclassable, voilà ce que je suis, Incorrigible, voilà ce qu’ils disent.
La mort se profile-t-elle à l’horizon que je me demande si je dois la craindre ou l’appeler. Combien de fois faut-il s’endormir en espérant ne pas se réveiller pour qu’un jour tout s’arrête ? Il faut en rire également, ne pas hésiter à dire « ça sent le sapin », penser à cette bonne blague qu’est le départ inopiné vers un autre continent, un autre espace.
L’irrévérence est un combat de chaque jour, une lutte acharnée contre la dictature d’un système.
Aimer vivre est ma devise, rire et fou-rire mon credo, et l’irrévérence mon tout.
TRAINS
On se fout pas mal de savoir où on va, ce n’est pas ça le plus important. Le plus important c’est la gare que tu as réussi à atteindre en dépit du mauvais sort qui a placé sur la route de ton taxi, les bouchons d’un vendredi soir, les poubelliers d’un Lundi matin, les piétons indisciplinés qui ralentissent la progression vers le train. Voir large. Avec la sagesse de ceux qui savent qu’il faut parfois « prévoir l’imprévu », tu as calculé ton arrivée à la gare de façon à éviter le stress qui fait battre ton cœur plus vite et transpirer ton front.
« Quel con ! si j’avais su, je serai parti encore plus tôt ».
Ce n’est pas d’un plaisir minuscule qu’il s’agit, mais bien d’un plaisir majuscule, celui de savoir que dans cinquante-sept minutes, une heure zéro huit, ou bien ce soir, tu vas monter dans une voiture de première classe et attendre sagement l’heure du départ. Pour ne pas gâcher ton plaisir, tu pars seul vers cette énorme Gare de l’Est, avec sa façade à la statue glorifiant Strasbourg où tu ne vas pas, cette majestueuse Gare de Lyon avec son clocher qui domine le quartier, cette Gare Montparnasse qui a perdu la mémoire de l’époque où la vraie gare se trouvait au bout de la rue de l’Arrivée et de la rue de Départ, cette Gare du Nord qui te mènera vers Anvers, ses diamants, ses baraques à frites et son port, sans espoir de trouver ton bateau, tellement c’est grand. Aujourd'hui, pas de déchirement d’un dernier baiser, pas de regard mouillé quand tu vois l’autre, resté sur le quai, rapetisser à vue de roues. Les fenêtres du TGV ne s’ouvrent pas, tu évites donc la tentation de te faire du mal en te penchant pour voir encore un peu celle que tu aimes ou celui que tu chéris. Mais nous n’en sommes pas là ! ça y est, tu as foulé le sol de ce terminus, vite aller voir combien de temps il reste avant le grand départ. Ton cœur ne bat pas de la même façon qu’autrefois. Tu as pris de la distance avec l’émotion, avec les émotions. Une minute de maintenant c’est tellement court en fait, alors qu’une minute d’avant, quand tu étais en culottes courtes, cela te paraissait tellement long… Retrouver une personne sur un quai de gare, c’est bien à l’arrivée, c’est morbide au départ parce que ça laisse dans le cœur un coup de lame dont la cicatrice met un sacré bout de temps à se refermer. C’est sans doute pour cela qu’à chaque fois que tu t’en vas, tu as le cœur serré, non ?
Trouver vite un snack, un siège, un hot-dog si possible avec de la moutarde qui va te dégouliner jusqu’ en haut du poignet car le vendeur aura comprimé un peu trop fort la bouteille de moutarde assurant ainsi un débordement obligatoire à la masse jaune qui imprègne ton pain et colore le bout de tes doigts.
C’est maintenant que tes yeux doivent observer ce qui t’entoure. Un peu plus tard, ton regard sera limité à la voiture dans laquelle tu seras assis. Tu ne verras plus ce couple de senior attendant le train pour Clermont-Ferrand avec leur chat dans une cage en plastique, ni ce touriste Japonais en route vers Marseille, et encore moins cet homme au chapeau mou qui attend de faire ses trois mille deux cent kilomètres pour aller de Paris à Moscou dans ce Moscou-Express des années soixante-dix.
Alors curieusement, tu penses à l’instant qui rassemble en un même lieu, pendant un certain temps, des gens qui s’ignorent mais font la même chose que toi. Toi qui a vécu à cheval sur plusieurs époques, ne me dis pas que tu ne te souviens pas des trains de ton enfance, quand toute distance de plus de cent kilomètres était aventure avant d’être voyage.
Ne me dis pas que tu ne regrettes pas ces vieilles voiture-restaurant qui avaient traversées et l’Europe et les guerres, et continuaient à recevoir les déjeuneurs d’affaire ou les dîneurs de luxe de l’Orient-Express, de l’Etoile du Nord, du Rheingold ou de l’Oiseau Bleu, sur fond de réclames pour l’eau minérale Contrex ou la moutarde de Dijon…Les rêves dans les draps blancs raides comme la justice, des wagons-lits aux liserés jaunes, sont aussi partis vers d’autres cieux, flottant peut être au musée du Chemin de Fer de Mulhouse….mais, bon, on est là pour parler de toi et de ton départ.
Alors tu regardes les horloges "Brillé" ou les pendules "Lépaute" qui grignotent les minutes et tu te dis en même temps qu’il est peut-être temps de renoncer ? « Et si je ne partais pas ? » C’était décidé de longue date, tu as même acheté ton billet il y a trois mois parce que c’était moins cher, mais c’est sympa de se faire peur, de se dire que changer un plan pourrait t’amener à un endroit différent ou l’imprévu serait la règle.
(Le Mistral, train rapide vers la Riviera dans les années 1960)
Pendant que tu es assis sur ton siège dans les courants d’air, dans les odeurs de pain au chocolat qui dérivent depuis la boutique « Paul », tu imagines les conséquences d’une autre décision que celle de prendre ce foutu train…
Et puis le temps, comme toujours, finit par s’écouler, et il faut trouver un moyen pour arriver avant les autres à la place 81 voiture 2.
Comme tu es un vrai voyageur, tu n’as qu’une petite valise. Le plus important à emporter, il est déjà caché au fond de ton cœur, à l’orée de tes nouveaux rêves. Depuis de longues années déjà, le voyage t’obsède…Tu revis à chaque départ une séparation d’avec on ne sait qui. Et si c’était dans une autre vie, une vie d’avant, que quelqu’un t’avait quitté sur un quai de gare et que cela ait marqué le fond de toi d’une façon à la fois brutale et insidieuse ?
« Sur voie quinze, Train rapide 183 à destination de Vintimille, fermez les portières », alors tu partais vers les citronniers du Var, les figuiers d’Antibes, et la socca dans le vieux Nice.
« Sur voie quinze, TGV 6083 à destination de Nice départ prévu à seize heures quinze. La SNCF rappelle aux accompagnateurs qu’ils ne sont pas autorisés à monter dans les voitures ».
C’est clair, seuls partent les partants, ceux qui ont un vrai billet sur un téléphone ou imprimé sur un morceau de papier ou de carton puisque tout a changé. Et puis vient l’heure de sentir le train quitter son immobilité. La seule possibilité qu’il reste pour rêver sera de regarder au très loin l’horizon de Bourgogne ou la ligne bleue des Vosges puisque le reste va trop vite et que même les vaches ne reconnaissent pas leur paysage en voyant passer des trains si rapides qu’on ne les entend ni arriver ni disparaître.
Tes compagnons de voyages seront des âmes neutres, plongées dans des graphiques sur ordinateur, des magazines de mode, des mangas ou exceptionnellement une Bible du Chanoine Crampon entre les mains d’un curé à l’ancienne, en rupture de Paroisse.
Tu ne reconnais rien.
Tout a été tellement vite pour toi que tu n’as pas tout compris. Tu rêves au carré d’agneau et au plateau de fromage d’un Train du soir entre Paris et Interlaken, et tu n’auras droit qu’à un petit déjeuner gourmand à sept euros-quatre vingt-dix entre Lyon Part-Dieu et Aix TGV.
Même tes souvenirs ont du mal à suivre les trains à grande vitesse…Au bout de ta lassitude se trouve la gare d’Antibes, le souvenir de l’arrivée du Mistral en fin de soirée, quand tu descendais du train couvert de la suie qui avait envahi les compartiments à l’occasion d’une fenêtre ouverte, au bout de ton rêve se trouve la Gare Centrale d’Anvers, place de la Reine Astrid, au bout d’un autre rêve encore se trouve la gare de Brest et le souvenir de la rue de Siam, et à la fin de ton rêve une autre gare encore, celle de Dunkerque, quand, alors que tu dormais dans ton wagon-lit type « F » ton train montait à bord du ferry-boat en route vers la « perfide Albion » alors que ton wagon était arrimé avec de lourdes chaînes qui faisaient un bruit d’enfer quand elles étaient manipulées.
Dans un coin de ton cerveau, sur l’étagère des plaisirs majuscules et des souvenirs fabuleux, tu as rangé toute une série de moments, à Cagnes-sur-Mer, quand tu courrais jusqu’au pont qui surplombait la voie ferrée, avenue des violettes, et que tu attendais avec impatience et excitation de te faire envelopper par la fumée grise d’une locomotive tirant en contrebas un train en route pour Vintimille, ou un convoi allant vers Marseille.
Tu as placé sur la même étagère la sommes de peurs délicieuses qui t’envahissaient quand tu pouvais voir au loin, se rapprochant, une énorme machine à vapeur avec ses lanternes de lumière blanche comme deux yeux cherchant à voir au bout de la voie. Souviens-toi de ta terreur lorsque passaient devant ton mètre vingt, les embiellages d’une « Pacific » tractant le Brest-Paris et entrant en gare de Plouaret. Tu as rangé enfin, dans cet antre aux souvenirs, la vision d’un lever de soleil sur la Jungfrau, d’un coucher de Soleil sur Copenhague, ou d’un crépuscule sur Rome, avant d’entrer en gare de Termini, et en descendant du train, ce soir, en arrivant à ta destination, n’importe où, tu te dis qu’heureusement, les souvenirs ne s’effacent pas aussi vite que roulent les TGV.
LE TOUT DÉBUT
« Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève » disait un écrivain spécialiste des romans policier qui portait l’heureux nom de famille de « Dard ». Tu m’étonnes qu’avant même tout concept politique, nous ayons eu des préoccupations bien plus terre à terre.
En fait, il y avait eu en 1967 un premier soulèvement contre l’ordre établi et la morale bourgeoise. La cité universitaire de Nanterre autorisait la libre circulation des jeunes étudiantes dans les bâtiments des garçons, mais ces derniers n’avaient pas accès librement aux bâtiments des filles. Les étudiants manifestèrent, occupèrent les locaux, voulant obtenir le droit d’entrer et sortir comme ils le voulaient pour courtiser ou non les jeunes filles de la résidence universitaire. Les étudiants commencèrent à diffuser leurs idées sur la liberté sexuelle et les névroses qu’induisait le manque de liberté dans ce domaine et dans bien d’autres. Le doyen, Pierre Grappin, fit intervenir les forces de l’ordre pour évacuer les étudiants qui avaient commencé une occupation des locaux…il faudrait alors une année pour que les braises qui couvaient se transforment en flammes qui allaient brûler tout ce qui était sacré depuis plusieurs siècles. Mais avant tout ceci, il y avait eu autre chose puisqu’un vent de contestation soufflait déjà depuis la côte ouest des Etats-Unis dans le droit fil de l’opposition à la guerre au Vietnam. Dans un monde qui était clairement séparé entre « les bons » et les « méchants » avec entre les deux un rideau de fer presque hermétique, il était naturel de prendre position, de se ranger aux côtés d’idéaux généreux, bien souvent, utopiques encore plus souvent. Tout le monde avait tort…sauf nous ! Nos profs étaient des cons, nos parents des vieux croûtons, la famille avait déjà commencé à imploser bien avant les journées de mai. Pour nous faire les dents, il y avait les « comités Vietnam » de quartier. On se réunissait, filles et garçon, pour coller des affiches contre la guerre en Extrême-Orient et se donner bonne conscience. Bien souvent, les rencontres dans tel ou tel local débouchaient sur plus qu’un simple collage nocturne. On se retrouvait les uns chez les autres, officiellement pour y discuter de Marx et du capital. Bien souvent on oubliait la conscience politique pour se concentrer sur Catherine, Brigitte ou Carole, qui étaient bien plus attirante que les théories parfois hermétiques du bon Karl.
Dans notre soif de formation à la politique, nous avions différentes sources. Pour les uns c’était le service des relations extérieures de l’Ambassade de Chine Populaire, pour les autres c’était la librairie « La joie de lire » que dirigeait François Maspéro. On pouvait trouver de quoi faire péter la société toute entière grâce aux livres qui s’y entassaient.
On aimait bien le « Chinois » on connaissait les meilleures citations de Mao avec lesquelles nous n’étions pas toujours d’accord, par exemple quand il disait « il est plus utile de tuer les moustiques que de faire l’amour », nous étions persuadés du contraire mais n’osions parfois pas aller acheter les obligatoires préservatifs et n’étions jamais sûr que nos conquêtes accepteraient de nous voir porter ces accessoires.
Le VIH n’était même pas une vague notion, mais même si la société était déjà en train de changer sous la contrainte, la blennorragie faisait toujours partie des risques révolutionnaires alors il fallait se montrer attentif et prudent, même et surtout quand on avait envie de faire n’importe quoi avec n’importe qui.
(La Chinoise, un film culte de 1967, en pleine époque de la propagande prochinoise. La révolution culturelle Chinoise avait juste un an. Le petit livre rouge circulait partout)