« Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève » disait un écrivain spécialiste des romans policier qui portait l’heureux nom de famille de « Dard ». Tu m’étonnes qu’avant même tout concept politique, nous ayons eu des préoccupations bien plus terre à terre. En fait, il y avait eu en 1967 un premier soulèvement contre l’ordre établi et la morale bourgeoise. La cité universitaire de Nanterre autorisait la libre circulation des jeunes étudiantes dans les bâtiments des garçons, mais ces derniers n’avaient pas accès librement aux bâtiments des filles. Les étudiants manifestèrent, occupèrent le locaux, voulant obtenir le droit d’entrer et sortir comme ils le voulaient pour courtiser ou non les jeunes filles de la résidence universitaire. Les étudiants commencèrent à diffuser leurs idées sur la liberté sexuelle et les névroses qu’induisait le manque de liberté dans ce domaine et dans bien d’autres. Le doyen, Pierre Grappin, fit intervenir les forces de l’ordre pour évacuer les étudiants qui avaient commencé une occupation des locaux…il faudra alors une année pour que les braises qui couvaient se transforment en flammes qui allaient brûler tout ce qui était sacré depuis plusieurs siècles. Mais avant tout ceci, il y avait eu autre chose puisqu’un vent de contestation soufflait déjà depuis la côte ouest des Etats-Unis dans le droit fil de l’opposition à la guerre au Vietnam. Dans un monde qui était clairement séparé entre « les bons » et les « méchants » avec entre les deux un rideau de fer presque hermétique, il était naturel de prendre position, de se ranger aux côtés d’idéaux généreux, bien souvent, utopiques encore plus souvent. Tout le monde avait tort…sauf nous ! Nos profs étaient des cons, nos parents des vieux croûtons, la famille avait déjà commencé à imploser bien avant les journées de mai. Pour nous faire les dents, il y avait les « comités Vietnam » de quartier. On se réunissait, filles et garçon, pour coller des affiches contre la guerre en extrême-orient et se donner bonne conscience. Bien souvent, les rencontres dans tel ou tel local débouchaient sur plus qu’un simple collage nocturne. On se retrouvait les uns chez les autres, officiellement pour y discuter de Marx et du capital. Bien souvent on oubliait la conscience politique pour se concentrer sur Catherine, Brigitte ou Carole, qui étaient bien plus attirante que les théories parfois hermétiques du bon Karl. Dans notre soif de formation à la politique, nous avions différentes sources. Pour les uns c’était le service des relations extérieures de l’Ambassade de Chine Populaire, pour les autres c’était la librairie « La joie de lire » que dirigeait François Maspéro. On pouvait trouver de quoi faire péter la société toute entière grâce aux livres qui s’y entassaient. On aimait bien le « Chinois » on connaissait les meilleures citations de Mao avec lesquelles nous n’étions pas toujours d’accord, par exemple quand il disait « il est plus utile de tuer les moustiques que de faire l’amour », nous étions persuadés du contraire mais n’osions parfois pas aller acheter les obligatoires préservatifs et n’étions jamais sûr que nos conquêtes accepteraient de nous voir porter ces accessoires. Le VIH n’était même pas une vague notion, mais même si la société était déjà en train de changer sous la contrainte, la blennorragie faisait toujours partie des risques révolutionnaires alors il fallait se montrer attentif et prudent, même et surtout quand on avait envie de faire n’importe quoi avec n’importe qui.