Siggeir Jónsson vivait prisonnier dans un monde qu'il n'aimait pas nécessairement. Il n'avait jamais vécu en Islande et pourtant c'est là où il aurait du être depuis toujours.Il avait fallu un si long parcours pour arriver finalement un jour d'hiver sur cette terre d'Islande dont il ne savait absolument rien. Siggeir ne s'était jamais posé la question de savoir si il devrait un jour découvrir son île ou si il devait plutôt continuer à parcourir les airs au dessus des océans sans se préoccuper du reste du monde. Il n'avait même jamais eu la curiosité de pousser plus loin son approche de la langue dont il connaissait quelques mots essentiels comme bonjour, bonsoir, je voyage seul, je m'appelle... Bien sûr, il connaissait l'histoire de l'île au milieu de l'Atlantique, il savait qu'il y avait des volcans, de gentils chevaux bien fiers, des troupeaux de moutons qui traversaient la lande.Il savait aussi que souvent le vent était si fort qu'il aurait renversé un homme.
Par contre, Siggeir savait presque tout sur les bateaux ! Pendant qu'il allait à travers le monde pour gagner sa vie, il avait toujours prés de lui une littérature technique et quelques romans en rapport avec les océans et les navires qui les traversaient. Il savait faire la différence entre les différents types de navires, connaissait tout des moteurs, aurait probablement été capable de changer des pièces vitales sur le moteur d'un bateau de pêche, mais l'occasion ne s'était jamais présenté de devoir faire un choix car ne comptait que le quotidien alimentaire et l'amour des distances qu'il maintenait intentionnellement entre l'endroit où il vivait, et les différents bouts-du-monde. Il n'avait jamais compris pourquoi il n'était pas né sur un navire, pourquoi il n'avait pas grandi entre un patron-pêcheur et une mère aimante. BIen plus que le bruit des moteurs d'aviation, il aimait surtout le ronronnement des diesels de marine et l'odeur de gas-oil qui flottait sur les chalutiers.
Olafur Arnarsson, un ami d'enfance, philatéliste chevronné, lui avait montré un timbre représentant un bateau échoué sur une côte Islandaise. Un homme d'équipage était en cours de sauvetage grâce à un système de va-et-vient. Olafur avait dit "nous sommes un peuple de marin, heureusement que nous savons prévoir et nous entraider" Siggeir n'avait pas tout de suite fait la relation entre le timbre et les conditions d'une mer qui pouvait être capricieuse souvent et colérique parfois. "Curieux ce timbre" avait dit Siggeir "l'homme va trouver refuge sur la terre Islandaise, juste comme moi". Pour Siggeir Jónsson, une nouvelle vie commencerait le lundi à venir. Avec l'argent d'un héritage, il avait acheté un bar à Reykjavik sur Lindargata. Dans le hall de l'aéroport Leifur Eriksson de Keflavik, une grande banderole suspendue souhaitait " Vilkomin" aux voyageurs. Alors Siggeir se dit : " c'est bien, j'ai retrouvé la liberté"