La vieille Mercedes noire affichait cent-soixante-trois mille kilomètres au compteur. A trois-mille-huit-cent kilomètres l'aller et retour entre Uzice et la Porte de la Chapelle, ça faisait un bon nombre de voyages très lucratifs entre la Serbie et la France. C'était une longue histoire sur laquelle aucun des trois ne voulait s'étendre.
C'était du business, comme si ils avaient vendu des chaînes stéréo, des lots de chaussettes fabriquées en Chine ou des jantes de voiture sortant des usines Turques d'Izmir. La seule différence était que le trafic d'armes rapportait plus. Il fallait bien qu'il y ait un petit avantage. C'était un boulot dangereux et les concurrents étaient légion. C'était celui qui fournissait le meilleur produit, au meilleur prix, et dans le meilleur délai qui emportait le marché. Alors , les trois Serbes s'était organisés comme aurait fait n'importe quels dirigeants d'entreprise.
Milos Krasic s'occupait du commercial, Novak Radic assurait la logistique, Bogdan Karanovic, lui, gérait la finance. Dans le coffre de la Mercedes, Novak rapportait souvent, pour faire plaisir aux amis proches, quelques GP 30 lance-grenade, trois ou quatre Baikal IZH-70 et une dizaine de pistolets Makarov PB6P9. Pour le reste, tout arrivait par camion. Contre une rémunération basée tant sur les kilomètres parcourus que les risques encourus, des chauffeurs routiers indépendant transportaient depuis la région d'Usice, Novi Pazar ou Valjevo, des quantités impressionnantes d'armes mais aussi de munitions pour les calibres les plus divers. Milos Krasic avait deux membres de sa famille dans l'usine PPU d'Usice. Les pots de vin permettait de modifier la comptabilité de la production.
Milos,Novak et Bogdan avaient compris que si ils maintenaient un profil bas, il réduiraient les risques d'attirer sur eux l'attention des flics de l'OCLCO qui luttaient contre le crime organisé et des enquêteurs d'Interpol spécialisé dans le trafic d'armes. Alors, ils avaient gardé la veille Mercedes de leurs débuts, habitaient dans de sages pavillons de banlieue et ne flambaient pas comme l'auraient fait les demis-portions des cités qu'on appelait pudiquement "sensibles". Ils avaient continué à se donner des rendez-vous dans des quartiers populaires, au coin d'un "grec", à côté d'un marché. Quand son agenda le permettait, Novak s'arrêtait quarante huit heures à Venise sur le trajet du retour. La beauté de l'ancienne "république sérénissime" le changeait de la noirceur d'un travail qu'il aimait de moins en moins.....