top of page

EN ROUTE

Le télégramme était arrivé, un morceau de papier d'un bleu délavé sur lequel étaient collés des petits morceau d'une étroite bande de papier blanche portant des caractères en majuscules.Mireille avait eu un peu de mal à déchiffrer. " BIEN INSTALLE STOP LES AFFAIRES MARCHENT BIEN STOP TU AIMERAS STOP VIENS ME REJOINDRE. TON PASSAGE RESERVE SUR FELIX ROUSSEL DES MESSAGERIES MARITIMES LE 28 DU MOIS. MON ADRESSE 367 RUE FRERES-LOUIS SAÏGON STOP TENDRESSES. CHARLES STOP" .Alors elle avait rempli trois malles, une pour la vaisselle,une pour les vêtements et une pour les souvenirs de France, avait passé un dernier dimanche à Aspremont où vivaient ses parents, était revenue vers son appartement de la Rue Charles de Foucauld, et, comme il restait un peu de temps, avait filé vers le port où le "FELIX ROUSSEL" était déjà à l'ancre en attendant le départ vers l'Indochine, le départ vers l'aventure...Elle avait demandé à un passant de la prendre en photo et le passant lui avait dit " Qui sait, peut-être qu'un jour vous prendrez un bateau comme celui-là". Mireille avait souri.


Charles, son avocat de mari, en avait eu assez de défendre des mafieux Niçois, des harengs de Villefranche, des voyous deToulon, des petites frappes des faubourgs de Marseille. Depuis le procès de Raymond-les-yeux-bleus, il avait réfléchi à ce qu'il voulait faire de sa vie et avait finalement choisi de s'expatrier, même si là-bas c'était toujours la France. Il avait alors fait ses adieux à ses collègues du barreau, aux associés de son cabinet, et avait filé acheter dans un magasin spécialisé , les vêtements nécessaires pour s'adapter au mieux au climat de la colonie. Tout le monde parlait du caoutchouc, des hévéas, des plantations d'Indochine, des opportunités de gagner beaucoup d'argent. Charles avait cédé aux visions d'Extrême-Orient,comme si il été déjà devenu dépendant à l'opium qu'il n'avait pas encore fumé, en trois semaines, il était parti, laissant derrière lui son ancienne vie et son épouse...

Mireille, c'était Madame Arnulfi, la femme de l'avocat.Les voisines n'avaient rien dit mais il était visible qu'elles étaient jalouses. "Vous allez voyager toute seule sur le bateau? Et si quelqu'un en veut à votre vertu? Et votre mari qui a tout abandonné içi, mon dieu, je n'aurai jamais fait quelque chose comme ça..." Mireille aimait les bateaux, les grands bateaux, ceux sur lesquels on reste assez longtemps pour s'habituer au roulis, pour dompter le tangage, pour apprécier les couchers de soleil prometteurs de miracles, les clairs de lune qui engendrent la passion, les coups de tabac qui font réfléchir parce qu'ils ressemblent aux vicissitudes de la vie. Elle était monté sur un bateau de pêcheur un jour, pour aller attraper des poissons "au lamparo" et avait passé la nuit pliée en deux par dessus bord, bien que la mer fut calme....alors bien sur elle redoutait un peu le long voyage vers Saïgon...mais dans sa tête, elle était déjà là-bas et se foutait pas mal d'un éventuel mal de mer.....

bottom of page