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CHANGEMENT DE PROPRIETAIRE

Au premier regard, Motti Rosenfeld n'avait pas vu de différence. Le gâteau au pavot était presque pareil, les pains tressés et les autres pains semblaient être les mêmes que d'habitude, et les boites de pain azyme portaient toujours la marque des établissements "Rosinski & Sbir". Curieusement pour Motti qui ne venait pas si souvent au "pletzl", le nom du propriétaire de la boutique était d'une importance capitale : Moskvitch . Il était donc de l'Est, c'était peut être un "pays" de Moshe, le grand père....? Moskvitch... le nom en tout cas, était un point d'ancrage dans l'imaginaire de Motti pour qui il ne pouvait y avoir de Judaïsme en dehors des souvenirs d'un quelconque Shtel de Galicie . Il était tout naturel que Moskvitch ait eu sa boutique en face de chez Joseph et Albert Goldenberg. La main de Motti dans cette d'Olek, les deux traversaient d'habitude l'étroite rue des Rosiers, entre le "déli" de Jo et la boulangerie de Monsieur Moskvitch.


Motti ne comprenait pas tout...Il n'avait jamais anticipé qu'un magasin dans lequel se cachaient nombre de ses propres souvenirs d'enfance, put être vendu à quelqu'un d'autre, et encore moins à un commerçant dont le nom n'évoquait ni la Pologne, ni la Hongrie, ni la Russie et qui devait venir d'un pays complètement inconnu..." Alors il avait demandé à son père , et la réponse était arrivée, tragique, horrible, inacceptable: "Il a pris sa retraite tu sais, ça fait bien longtemps qu'il était là". C'était une trahison, une véritable trahison. BIen sûr il y avait des signes qui ne trompaient pas, comme une mezzouzah sur le montant de la porte, au début du tiers supérieur,il y avait également une kippa sur le haut du crâne du nouveau propriétaire que Motti n'aimait pas du tout, par le seul fait qu'il lui avait volé des souvenirs d'enfance en rachetant la boulangerie de Monsieur Moskvitch...

Motti avait même fait preuve d'une mauvaise humeur qui ne lui ressemblait pas, en refusant de porter les quatre pains tressés jusqu'à la maison.

Olek avait marqué de l'étonnement, mais c'était un étonnement de principe : en voyant le nom du nouveau propriétaire, il avait dit , " tiens, il doit être d'Afrique du Nord".. Quelle trahison ! Il n'y aurait plus jamais de pains tressés de Shabbat fait par l'ancien boulanger. Motti était même prêt à renoncer à ces brioche du vendredi soir. Rien ne saurait lui enlever l'amertume qu'il avait maintenant dans le coeur. Le nom même de Moskvitch évoquait pour Motti des images Napoléoniennes de grognards pris dans les glaces de la Russie. Quand il entendit Olek lui expliquer que le nouveau boulanger appartenait à la communauté séfarade,il eut un haussement d'épaule et dit simplement :" des séfarades, j'men fous ! Je savais même pas que ça existait...."

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