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SUR LE TOIT

Personne ne savait comment autant de pierres aussi lourdes pouvaient tenir sur le toit de la basilique du Saint-Sépulcre. Et pourtant, cela tenait...! Cela tenait tellement bien que les moines Ethiopiens orthodoxes avaient élu domicile dans de petites cellules de quelques mètres carrés chacune, juste assez grandes pour y faire tenir la foi et quelques souvenirs. Il y avait au plus quarante deux mètres à parcourir pour se rendre de la cellule la plus lointaine jusqu'à la petite chapelle dans laquelle une trentaine de personnes pouvaient se tenir ensemble. Loin des ors de l'orthodoxie grecque, des phrases bien polies des franciscains, éloigné des mystères des Coptes d'Egypte qui officiaient derrière le tombeau,se tenait Kidus Ghebreyesus qui venait d'être rattrapé par ses quatre-vingts ans.


De Debre Marqos jusqu'à Jérusalem, il avait mesuré chaque kilomètre à l'aune de sa fatigue, trois mille sept cent quarante fois. Il ne se souvenait plus pourquoi il avait choisi la vie monastique, mais ne se posait plus la question du pourquoi puisque sa vie semblait être toute tracée, entre les prières du matin, les longues heures passées dans la dévotion et la méditation et les maigres repas partagés avec ses frères de prières, sur le toit du Saint-Sépulcre, à quelques mètres de hauteur au dessus du tombeau gardé par des popes protégeant et régulant les entrées dans le saint édicule.

A la foule extatique des pèlerins émus bien plus qu'ils ne l'auraient anticipé, Kidus préférait le calme de sa petite chapelle, la modestie de l'unique bougie qui rappelait le miracle auquel tous croyaient,la lumière affaiblie de l'extérieur, qui éclairait chichement les quelques mètres carrés où flottaient des souvenirs de paraboles et de sainteté. Il remerciait le ciel chaque heure parce que les fidèles se ruaient vers l'intérieur du Saint-Sépulcre sans accorder d'attention à la chapelle des Ethiopiens. "C'est très bien comme cela" avait dit Kidus pendant la période de Pâques, alors que des milliers de femmes, d'hommes, et d'enfants, parlant plusieurs dizaines de langues différentes, s'étaient jetés sur la basilique, comme l'aurait fait la fameuse nuée de sauterelle qui s'était abattue sur l'Egypte.

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