A sept heures quarante exactement, le "conducteur" de la voiture numéro 3, avait frappé à la porte du compartiment qu'occupaient Léon et Francesca. Suivant une immuable tradition qui datait de la création de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, les voyageurs étaient réveillés en temps et heure pour leur permettre de se préparer à affronter la vraie vie après avoir passé une nuit, suspendus dans le petit monde de velours et de bois précieux d'un "double", qui coûtait une fortune mais bon, de temps en temps, Léon pouvait se le permettre. Avec Francesca, ça ne marchait plus. Le voyage à Rome, à l'origine, c'était pour essayer de recoller les morceaux, mais finalement, ça n'avait recollé rien du tout.
Dans l'hôtel particulier de ses beaux parents, Via Ceneda, pas loin de la place du Roi de Rome, Léon en avait pris plein la gueule, accusé d'être un bon à rien...de ne pas savoir rendre une femme heureuse. Pendant que Léon se faisait assaisonner, Giorgo, le majordome en gants blancs, levait les yeux en ciel pour encourager Léon à accepter la bordée d'injures. Léon savait qu'en venant à Rome, les choses ne seraient pas faciles. Il l'avait fait pour Francesca. Il lui devait bien ça. Elle fermait les yeux depuis plusieurs mois sur les aventures extra-conjugales de son mari. Il y avait eu Tania, la traductrice qui travaillait chez Intourist, Alenka, la secrétaire de l'ambassade de Tchécoslovaquie, et surtout Ursula, l'agent de comptoir de la Lufthansa.
En descendant du train, Léon était déjà dans la planification.Téléphoner à l'avocat, bloquer le compte en banque,prévenir ses amis de ce qui allait se passer, laisser des instructions à sa secrétaire, Les derniers instants avant l'arrivée en gare de Lyon avaient été les plus pénibles. Parce qu'il était un homme courtois, il avait décidé de rentrer à l'appartement de l'avenue Victor-Hugo avec Francesca. La concierge, cette sacré pipelette, les voyant rentrer ensemble, ne se douterait de rien. Léon devait faire attention car Francesca avait de puissants amis dans la finance. Il savait que dorénavant, rien n'allait être simple...