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LA FLECHE D'OR

Sir John Lockwood avait laissé partir avant lui les dix-neuf malles dans lesquelles il avait remisé les souvenirs des dix-neuf années passées à Paris, mais comme il avait de la classe et de l'argent, il prenait le train de luxe " La Flèche d'Or". Il savait que dans le "coupé" de son wagon Pulmann, il pourrait se faire apporter son cognac par un employé de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens. Sir John aimait bien cette idée d'Europe et de trains de luxe. Il regrettait déjà sa décision de quitter la France pour une histoire qui était plus une histoire de cul qu'une vraie histoire de coeur.

Il avait abandonné l'appartement du quai Voltaire le jour où il s'était séparé de la comtesse Raïssa Alexandrovna Vitvinine en découvrant par un hasard assez surprenant, qu'elle se nommait en fait Colette Reverchon et qu'elle était née en Corrèze, à Tulle. En souriant pour ne pas se sentir trop lésé, et ayant appris toutes les finesses de la langue Française, il s'était dit "finalement, puisqu'elle est née à Tulle, c'est bien normal que ce soit une femme légère"...La dessus il avait foncé chez Cook, rue Royale, et organisé le retour vers son manoir du Sussex. Colette,de son côté,avait déjà mis le grappin sur une nouvelle victime, un baron Allemand qui faisait dans l'acier à canon et qui venait d'une grande famille dont le nom commençait, je crois, par un "K"...


Sir John était surpris du peu de monde qui prenait ce train...c'est vrai, les nouvelles économiques n'étaient pas très bonnes...des rumeurs lui arrivaient de son bureau de New York et tout cela ne présageait rien de bon...Il avait rencontré plusieurs fois depuis l'inauguration du train en 1926, des voisins Anglais en route vers Paris et la côte d'Azur, des amis rentrant à Londres, des femmes de peu de vertu accompagnant des amants temporaires, et même quelques gigolos qui faisaient partie de la bande des "quatre quarts", les "amis" de Colette, qui avaient décidé de faire de leur vie une grande fête et passaient leur temps à jouer des sentiments en échange de reconnaissance "sonnante et trébuchante"

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