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LE PONT

Il était difficile d'échapper à la surveillance des parents, mais parfois quand tout le monde jacassait en évoquant, qui les souvenirs d'Egypte, qui les souvenirs de la deuxième division blindée, qui encore les souvenirs de la Royal Air Force, Jérémie réussissait à tromper la surveillance, à remonter la petite allée qui partait du fond du jardin pour terminer avenue Ziem. Il suffisait de tourner à droite, puis encore à droite dans l'avenue des Violettes, et de continuer tout droit jusqu'au pont. Jérémie n'avait l'air de rien mais pouvait courir quand il le fallait, quand chaque seconde était précieuse, et justement, c'était le cas puisque les minutes étaient comptées : il fallait optimiser le temps sur le pont en espérant qu'une locomotive passerait en crachant de la fumée.

Sur le pont, c'était l'attente, cette attente insupportable...Et si il n'y avait pas de train ? Il fallait regarder des deux côtés, chercher à l'horizon une trace de vapeur dans le ciel, tendre l'oreille pour capter le bruit des pistons, le halètement poussif d'une machine tractant un convoi de marchandises, ou le sifflet du "Mistral" qui venait de partir de Nice et se dirigeait vers Paris avec son chargement de riches touristes ou d'hommes d'affaires. Quand il voyait un convoi arriver, Jérémie se laissait envahir par une peur délicieuse mais dont il ne savait jamais si elle n'allait pas se transformer en terreur et le laisser pétrifié sur le pont, incapable de pouvoir rejoindre la sécurité du mas provençal dont il s'était clandestinement échappé.


"La fumée t'enveloppait, une espèce de tiédeur moite.Tu ne pouvais plus rien voir jusqu'à ce que commence à se dissiper ce brouillard noir et gris."...


Un jour, pour voir ce que cela faisait, Jérémie avait inspiré par la bouche au moment ou la fumée atteignait le pont, alors des millions d'aiguilles lui avaient percé les poumons....c'est du moins ce qu'il avait pensé. Mais il avait toujours retrouvé ses jambes, avait toujours pu courir sur le chemin du retour, retrouver l'allée du " Poudrier", refaire semblant d'être obéissant....jusqu'à la prochaine fois. Personne ne lui avait encore dit que déjà, la vapeur, c'était déjà un truc du passé.....

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