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CROISEMENT

Erik remontait vers le Nord, je veux dire vers le Nord de Rome. Cela se passait dans les temps anciens, quand il traversait le monde d'un coup d'ailes sans accorder la moindre attention aux choses importantes. Son train était arrêté dans une gare. Etait-ce celle de Livourne? La seule chose dont se souvenait Erik était que pas très loin, dans un autre train, ou peut-être même dans la gare, une troupe de jeunes scouts chantaient des chansons de marche. Pour une raison quelconque, Erik se mit à repenser à ses cours d'Italien.Son compartiment de voiture-lit sentait le sommeil,le plastique chaud et la poussière. Erik aimait voyager en train: cela lui donnait le temps qu'il fallait pour penser, même si il était encore bien trop tôt dans sa vie pour qu'il puisse l'apprécier.


Un train allant dans le sens opposé s'arrêta sur la voie la plus proche du train d'Erik. C'était un train qui venait de l'est. Erik le savait rien qu'à regarder sur la voiture qu'il avait sous les yeux, les lettres de l'alphabet cyrillique qui s'alignaient à côté de la fenêtre. Il se savait pas ce que les lettres voulaient dire.Il avait été derrière le rideau de fer sans en garder de bons souvenirs. Le soleil Italien était levé depuis un long moment et aveuglait un peu Erik. Pourtant, il pouvait voir une silhouette se détacher dans l'encadrement de la fenêtre du convoi en route vers le sud.La silhouette venait d'un autre monde. Etait-ce de Russie? de Bulgarie? de Macédoine?

Il ne savait pas si la silhouette dans l'autre train était une femme ou un homme. L'important était ce qu'il pouvait voir au fond des yeux de cette personne. Erik réalisa soudainement qu'il ne savait pas pendant combien de temps les deux convois se feraient face. Il ressentit alors un besoin urgent de parler à cet autre voyageur en route vers dieu savait, ou ne savait pas où...Mais il n'y avait déjà plus assez de temps pour les mots. Il savait que dans trois ou quatre minutes au mieux, l'un ou l'autre des deux convois se mettrait en route. Alors Erik verrouilla son regard dans celui de "l'autre" et attendit, tout simplement, en priant pour qu'il lui fut accordé encore quelques minutes de cette communion silencieuse...

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