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BREIZH ATAO

C'était le patron du "Gwen Ha Du" qui n'avait que cela à la bouche. Jean Le Saux était un Breton Bretonnant mais Erwan ne savait pas ce que cela signifiait. Erwan ne connaissait de la Bretagne que la terre battue de la ferme de Pen Enez, la petite boutique qui vendait des pelles de plage faites de métal, des seaux en plastique de couleurs vives, et surtout, des billes en terre cuite peintes à la main.Dans la famille d'Erwan, on aimait les Bretons, comme d'autres auraient eu de l'affection pour les Corses, les Auvergnats ou les Savoyards. Quand Erwan mettait ses espadrilles à semelles de corde qui avait tant de fois étés mouillées par l'océan, il marchait comme un homme libre.


En passant devant le calvaire de pierres grises, Erwan ralentissait le pas. Il plaignait les petits personnages figés dans le temps, exposés aux grands vents, aux trombes, au froid de Pâques. Pour s'imbiber encore plus de l'esprit de sa terre, il faisait souvent le tour de pointe, qu'il pleuve ou vente, protégé par un ciré qui avait vu de meilleurs jours. L'Île verte était toujours verte, les chardons poussaient toujours près du sable,et quand la promenade se terminait au bar de l'Hôtel du Port, Erwan ouvrait encore plus grand ses oreilles en espérant à chaque fois entendre des anciens qui ne parleraient que le Breton ou des anciennes échanger des recettes de Krampouezh ou de Kouign Amann.

Au bout du môle, il y avait l'eau, la fin du monde.Erwan aimait s'imaginer qu'un bateau l'attendrait un jour, et qu'il arriverait jusqu'en Amérique du Sud, au Brésil peut être, ou même mieux, en Guyane où, il en était sûr, des Bretons émigrés tenaient certainement des crêperies. Quand il arrivait de Plouaret où s'était arrêté le train venant de Paris, et dès qu'il voyait le panneau routier indiquant Saint Efflam, Erwan savait qu'il était arrivé, il savait que quelques instants plus tard, ce serait Lokireg,ce coin perdu du Finistère avec ses vieux pêcheurs taiseux et ses femmes parcheminées à la tête couverte d'une coiffe d'une blancheur immaculée, qu'elles portaient fièrement comme s'il s'agissait d'un Saint-Sacrement.

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