Les mauvaises langues du quartier disaient qu'elles avaient couché avec toute la Wehrmacht du "Gross Paris"! Le Colonel Boeldieu, qui habitait au 102 de la Rue Lauriston trouvait que c'était un peu exagéré et , en riant, sous sa cape, commentait finement : " Toute ? Non, disons deux ou trois cent soldats, plus une cinquantaine d'officiers"...et tout le monde se marrait.
Les trois Soeurs W........, elles, ne rigolaient pas . L'épuration était passé par là, mais comme chacune des frangines avait dans son lit qui un membre des FTP, qui un futur héro résistant, le magasin n'avait pas été pillé, et puis il fallait partager les profits du marché noir des quatre ans d'occupation,non ? Les profits?
Les trois soeurs W.......s'étaient trouvées au mauvais endroit au mauvais moment .Pas loin de la boutique, une officine de brigands bien Français travaillant pour les boches envoyait régulièrement des émissaires pour acheter de quoi faire des sandwiches. Marie W.......avait dit aux clients qu'avec les restrictions, il n'y aurait bientôt plus rien à manger. "T'inquiètes pas " avait répondu le client "si t'as besoin de marchandises, passes nous voir, on te fera livrer. Tu viens au 93, tu demandes Monsieur Henri". Marie avait parlé avec Jeanne de cette étrange conversation et du tutoiement impromptu. Henriette,elle, avait froncé les sourcils.
Les soeurs W........ étaient nées à Brumath et maîtrisaient l'Allemand. De temps en temps, en échange d'une caisse de conserves, ou d'une dizaine de litres d'huile, Marie, celle qui avait son certificat d'étude faisait des petites traductions dont elle gardait un exemplaire carboné qu'elle dissimulait sur le dessus d'un étagère,bien caché à l'intérieur d'un exemplaire d'un journal collabo : "Gringoire" . Le Colonel Boeldieu ne savait pas tout...Il ne savait pas bien sûr que dans la cave des soeurs W....... une porte dissimulait un accès vers les caves de l'immeuble voisin . Il ne savait pas non plus que les soeurs W........cachaient régulièrement des agents du SOE " de passage" à Paris.....