Il avait toujours été incapable de mettre d'équerre un col de chemise et une cravate.Dans son Français approximatif, il disait à qui voulait l'entendre que porter une cravate était rentrer en esclavage.Il venait d'un peuple d'esclave qui avait laissé une trace dans l'histoire des hommes. Si il y avait du monde, il s'en accommodait sans chercher plus loin à lier une connaissance avec des gens dont il ne comprenait pas pleinement ni la langue ni la culture.Il fuyait l'alcool, privilégiait la réflexion et savait passer à côté des pièges que le monde lui tendait. Il vouait à l'anarchie une admiration sans limite.
Parce qu'il était homme de bien, il privilégiait la droiture et la sobriété de vie. Parce qu'il était homme de questions, il se demandait nuit et jour de quoi était fait l'avenir de l'homme. Il disait souvent qu'un jour on marcherait sur la Lune, et que l'homme gardait plus souvent la mémoire des guerres que celle des bonnes actions. Il disait, il disait, enfin c'est ce qu'on comprenais car il ne maîtrisait pas la langue. Il jurait comme si il fut né dans un faubourg de Paris, mais ne connaissait pas la différence entre le petit d'un ursidé, et un Echinoidéa. Il avait découvert les costumes en lin et aimait la caresse de la fibre sur le haut des poignets.
Peu de monde le connaissait vraiment.Il compensait son mutisme naturel en communiquant par le regard.Une sorte de sourire qui n'en était pas un tout en étant un quand même, se posait sur sa bouche si, et quand, il repérait dans son environnement une belle femme ou un homme de science. Des gens disaient qu'il venait de l'Est, qu'il avait été ébloui par l'exposition universelle et qu'il avait décidé de ne plus repartir.D'autres disaient que c'était le contraire. Il avait parfois des manières de soudard, des jugements hâtifs, de regrets inutiles. Il faisait partie d'un monde où les frontières n'existaient pas. Il était là parfois sans y être.
Les gens l'appelaient "L'étranger".