La presse avait été tenue à l'écart.Il ne fallait pas que cela se sache.Afin de maintenir à la rencontre la discrétion nécessaire, ce n'était ni Davos, ni Zurich, ni Genève qui avait été choisi pour une rencontre informelle entre les huit dirigeants les plus influents de la planète. Le comité organisateur avait longtemps cherché et quelqu'un du groupe, un ancien adepte du petit village, qui vivait encore dans ses souvenirs d'enfance, avait tout simplement dit :"und warum nicht in Wengen?" Alors, des dizaines de voix s'étaient élevées pour dire que c'était une idée ridicule, mais comme des vingtaines de voix étaient pour, Wengen fut choisi.
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L'hôtel "Palace" était à mille-deux-cent-soixante-seize mètres au dessus de la vallée de Lauterbrunnen. Le canton de Berne paierait pour la protection, les journalistes ne seraient pas autorisés à demeurer à Wengen après dix-huit-heures, malheur à celle ou celui qui dérogerait à la règle. L'hôtel Palace abritait encore les souvenirs poussiéreux d'une aristocratie Anglaise de bon aloi, avec chaussettes de laine sous les robes longues. Quand la famille Borter avait fait construire l'Hôtel, les femmes skiaient en jupe, les hommes en faux-col. A dix-sept heures,l'Hôtel Palace passait en mode "tea-time" .
Un orchestre de cinq ou six musiciens ronronnait de vieilles mélodies de Victor Sylvester pour une clientèle de rombières et de capitaines d'Industrie de retour d'avoir skié au Mänlichen ou à Kleine-Scheidegg. Pour la rencontre, il n'y aurait pas de clients à l'Hôtel. Pour un petit village aussi calme que Wengen, celà allait foutre un sacré bordel. Des petits malins, déguisés en travailleur du Wengernalp Bahn, le petit train à crémaillère qui montait de la vallée, avaient déjà trouvé comment pouvoir prendre clandestinement des photos des dirigeants jouant au curling,ce jeux bizarre dans lequel on balaie devant un énorme galet de pierre de dix-neuf kilos.