André Lavoine, surnommé dans le milieu " la beigne", ne s'était rendu compte de rien en montant dans l'avion à l'aéroport d'Alger Maison-Blanche. Une demi-portion ce "Dédé", dont tout le monde se moquait,sauf les flics de la Tour Pointue. Les marlous du Sébasto l'avaient surnommé "la beigne". C'était en fait un jeu de mot, laid, sur le nom du mec en question. Francis-le-Belge avait dit:" Ben oui, Lavoine il s'appelle, ce con, une avoine, c'est une rouste, des gnons, des beignes...." Comme quoi, dans le milieu, se voir affublé d'un surnom pouvait dépendre du hasard, des circonstances, ou de la simple connerie d'un branleur en mal de création artistique.
Dédé-la-Beigne revenait d'Alger par avion.Il avait confié au commandant du "Tassili" le soin d'amener à bon port les quarante neuf filles du dernier recrutement. Le bon port en question, Marseille, était à vingt-deux-heures de mer. Le commissaire Tardieu et ses deux adjoints avaient filé André Lavoine pendant les quatre jours qu'il avait passés en Algérie.Ils s'étaient assurés qu'il avait bien pris le bon avion et une fois l'appareil ayant quitté le sol Algérien, ils avaient contacté Paris par téléphone. Depuis longtemps déjà, Tardieu et ses enquêteurs cherchaient à le coincer. L'occasion était trop bonne.
Depuis dix heures du matin, le piège était en train de se refermer à Orly .Il y avait du képi partout pour accueillir Dédé. Les camions verts sombres avaient amené des fonctionnaires depuis le camp de Satory. Au Palais de justice, tout en bas du boulevard Saint-Michel, le "proc" se frottait les mains....le juge aussi. Les avocats, qui se doutaient qu'un coup fourré était en préparation, commençaient déjà à travailler leurs notes d'honoraires. Ils voulaient bien bosser plus de dix heures par jour, mais pas pour des nèfles. Alors que l'avion commençait sa descente vers Paris et que les hôtesse de l'air enlevaient les verres, Dédé se disait dans sa tête : " allez, encore un an, et après, je me range des voitures..."