Arkady avait dix fois vu le monde. Il s'était déchaussé à la grande mosquée du Caire, il avait prié dans les synagogues de Safed, marché dans les allées de la basilique Saint-Pierre à Rome.Il avait connu des temples Shinto,l'église des Saints-du-Dernier-Jour, des pagodes, des chapelles, des shuls, il avait été chercher une sorte de vérité partout où soufflait la plus légère brise de l'Esprit. Il avait cherché aussi des hommes de bonne volonté, mais avait eu du mal à en trouver. Puis, il y avait eu la révélation des icônes, la quiétude de cette petite église orthodoxe,le visage à la fois serein et neutre des personnages bibliques rayonnant d'or.
Arkady ne croyait pas, c'est du moins ce qu'il disait à tout le monde, mais à Saint-Séraphin de Sarov, il sentait que quelque chose le reliait à ses racines. Si il avait été pratiquant, il eut été Orthodoxe. Il pensait que le divin devait être rayonnant, que suivant le degré de sagesse des uns et des autres, la taille de l'auréole devait être proportionnelle. Parfois, Arkady se disait qu'il aimerait s'approprier une des icônes, pour vivre chez lui dans la même quiétude que celle qu'il ressentait dans la petite église. Il aimait bien également l'idée que sans religion, sans foi ni loi, ni curés,ni popes,ni moines, l'art aurait été en panne, l'art n'aurait pas été l'art, puisqu'il manquerait pour toujours cette dimension intouchable et pourtant si présente qu'était le caractère religieux des oeuvres qu'Arkady aimait.
Un jour qu'il se trouvait en Ecosse et avait visité l'église réformée de Muyrpark Street à Glasgow, Arkady s'était étonné du dépouillement du lieu et avait regretté l'absence d'or et d'images sacrées. La Pasteur Farrell s'était étonné de la remarque et avait souligné que ce qui comptait surtout, c'était la façon dont les hommes de bonne volonté regardaient le monde. Arkady avait hoché la tête, pour faire comme si, mais au fond de lui,il comprenait de mieux en mieux l'importance des icônes et les raisons pour lesquelles, à Saint-Séraphin, comme dans toutes les églises orthodoxes, un jubé séparait le profane du sacré.