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FIN PROCHE



Raymond-les-yeux-bleus n'était plus que l'ombre de lui-même. Il s'était réfugié à Nice et avait trouvé un logement par l'intermédiaire d'un vieux copain malfrat qui s'était rangé des voitures et habitait Riquier. Depuis sa planque de la rue Barberis, Raymond, le visage caché par de grosses lunettes noires, traînait chaque jour sa carcasse jusqu'à la promenade des Anglais et s'asseyait sous une sorte de pergola, les yeux fixés sur la mer. Il n'y aurait pas de paquebot revenant d'Indochine avec des malles d'opium, ni de bateau arrivant d'Algérie avec des filles à faire bosser.Raymond avait fait le vide autour de lui, il avait un caractère de cochon.


Chaque jour,entre quinze et dix-sept heures, Raymond repassait le film de sa vie, les années de son début dans le milieu, sa collaboration hasardeuse avec les crapules de la rue Lauriston, la carambouille sur la viande, les ventes d'armes avec faux-certificats d'utilisation finale, ses trois boites de Marseille, les quatre en Corse, les faux talbins fabriqués en Angleterre, les monceaux de vrais billets qu'il n'arrivait plus à écouler puisque les banques étaient devenues méfiantes et les petits jeunes avaient d'autres manière de faire. Depuis la mort de Rirette,sa compagne, Raymond avait presque pris goût à la solitude.


Dans la vie de Raymond, il n'y avait plus grand chose qui puisse le retenir.Ni chat, ni petits-enfants,ni vieux as du chalumeau,perceurs de coffres-forts,avec qui il aurait pu taper le carton en pensant au bon vieux temps. Dans le coeur de Raymond, à côté des souvenirs de Rirette, il y avait un pacemaker de fabrication Allemande. Chaque jour, Raymond qui sentait la fin venir, essayait de faire la paix avec ses vieux démons. Quand il arrivait qu'il pleuve, Raymond ne bougeait pas de son banc, et l'eau ruisselait sur ses épaules,allant jusqu'à lui mouiller le bas du dos. Quand le soleil s'en allait vers l'ouest, Raymond repartait vers la rue Barberis,trainant derrière lui quarante trois ans de malversations et grand banditisme.

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