Il s'était échappé de la rue du Figuier alors que les hommes de Karl Oberg, le" boucher de Paris", le traquaient depuis des mois.En prenant un train à la gare d'Austerlitz, il était parti dans le Sud-Ouest jusqu'à Biarritz. Rejoindre l'Espagne était impossible depuis la zone occupée. Il fallait passer en zone "Nono", la fameuse zone libre. Iban Amezcoa, un brave homme en fin de vie, un vrai basque, avait aidé Shimon à rejoindre le petit village de Larrau.De là, Shimon avait du faire confiance à un berger en rupture de troupeau, Amédé Llense, qui l'avait guidé jusqu'à la Sierra de Guara,côté Espagnol.
Puis, un ancien républicain de 36 l'avait convoyé jusqu'à Barcelone. Shimon savait beaucoup de choses utiles aux Anglais.Le SOE Anglais avait privilégié la sécurité et organisé sa récupération avec l'aide d'un sous-marin de la Royal Navy. On était en Mars 1942. Le contact de Shimon à Barcelone lui avait dit " les Anglais se foutent bien des juifs.Soyez prudent quand vous serez à Londres. Vous ne serez que relativement en sécurité". Shimon avait terminé la guerre à Bletchley Park puis le 18 Mars 1945, il était parti avec l'espoir de recommencer une nouvelle vie. Tel-Aviv ne lui avait pas plu, il était revenu à Paris.
Shimon HIMMELBLAU avait retrouvé son ancienne vie, celle d'avant Juin quarante, celle d'avant les rafles,celle du temps ou il gérait son cabinet d'avocat spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle : HIMMELBLAU,EPSTEIN & SCHNUR . Le cabinet était quai des Célestins. Souvent, Shimon HIMMELBLAU profitait des deux heures qu'il s'octroyait pour la pause du déjeuner, pour aller marcher dans ce coin qu'il aimait tellement. Il était question de rénovation pour ce quartier, que par dérision certain nommaient "le ghetto". Shimon redoutait que le quartier ne perde son âme, et que ne disparaissent ses vieux révèrbères.