Même Guillaume PEPY le dit : « en ID ZEN, tu fermes ta gueule » … Bon, ce n’est pas dit exactement comme cela, mais ça y ressemble... déjà quand on voyage avec les riches, muni d’un billet au tarif outrancier de la SNCF « plein pot », on te rappelle que tu dois placer tes appels téléphoniques depuis les plateformes…mais pourquoi ?
Pourquoi une société nationale comme la SNCF doit elle se substituer aux parents de tous ceux qui emmerdent la vie des autres en nous prenant en otages, en nous obligeant à rentrer dans une intimité généralement glauque constituée de querelles domestiques, de souci de garde d’enfant, de gratin à mettre dans le four, d’insultes à partager.
Si parfois un simple froncement de sourcils en première classe peut rappeler à l’ordre le distrait qui commence à raconter sa vie sur son portable au vu et su de ses voisins, dans les sous-classes du voyage ferroviaire, tarifées de façon à bien souligner la stratification du paysage voyageur Français, il est plus difficile d’empêcher les épanchements téléphoniques ou les confidences entrecoupées de Mhhhhhh, de Ahhhhh, de Ohhhhhhh ! qui nous ouvrent l’appétit souvent mais nous privent de dessert…toujours !
De la même façon que le voyeurisme est une sympathique perversion comportementale, n’existe –t-il pas une autre perversion basée sur l’écoute indue des conversations d’autrui ? Surtout lorsque celles-ci sont imposées par tel ou tel voyageur faisant passer son ego avant la sérénité de ses compagnons de voyage….
Je hais avec force celles et ceux qui m’ont privé du plaisir des réponses des interlocuteurs. Il est une chose d’entendre ce qui est dit par l’un, mais sans réponse de l’autre, de celui qui est au bout du fil, le plaisir ne peut être que frustration ou imagination…
Pour les hommes bavards, grossiers, "conversationistes" inutiles sur base de coupe de France de foot, de chevaux vapeurs, de Paris-Dakar ou de « mon taulier m’emmerde », je n’ai aucune pitié…Dans mon esprit seulement, et pour cause de totale lâcheté, je fantasme sur l’arrachage du portable et sa destruction immédiate par projection de l’appareil par la fenêtre du train.
(Et pourtant, c'est bien écrit...sérénité, méditation,détente...)
Pour les femmes volubiles, celles qui s’insinuent vocalement dans ma bulle, celles qui veulent me faire participer à l’aridité de leurs propos téléphoniques, celles qui ont oublié qu’elles ne sont pas seules dans le train, je rajoute une étape intermédiaire dans laquelle est incluse une équipe d’égoutiers de la Ville de Paris (avec les cuissardes), qui saura, par différentes manœuvres, apprendre les bonnes manières à notre « portablophile » afin de la guérir de cette horrible maladie, cette logorrhée qui va de pair avec l’utilisation de téléphones portables de plus en plus performant.
Si encore les conversations, ou les bribes de conversations comportaient des détails évocateurs d’après-midi crapuleux, de rencontres secrètes, d’exploits amoureux, de pique-niques en forêt avec baignade obligatoire dans l’étang et séchage au soleil, si encore je pouvais imaginer la couleur de la peau de l’amant, ou de la maîtresse, si encore je pouvais sentir l’odeur de la mer, là où « on est allé ce week-end, mais si tu sais bien à Etretat, l’Hôtel des Falaises, il m’a prise comme une bête…. », je pardonnerai à demi cette intrusion dans ma sphère privative…. !
Mais ce qui est proposé à mon écoute et souvent fade, inutile, creux, sans intérêt, triste reflet sans doute de la vie du "téléphoneur » addictif ou de la « téléphoneuse » systématique , tous deux abuseur sans scrupules de l’intimité du plus grand nombre, tous deux « imposeurs » de leur miasmes verbaux, tous deux abuseurs de l’oreille, tous deux mal-éduqués sans espoir de changement, donc tous deux voués à passer leur prochaine vie sous la forme d’une carte SIM insérée dans le téléphone d’un bègue !
(Pouvoir lire sans être emmerdé par les bavards "portablophiles" impénitents: un plaisir de gourmet)
Combien de fois ai-je eu envie de maltraiter ceux qui hurlent dans leur portable pour couvrir le bruit du train…combien de fois ai-je eu envie de charger de haine profonde le regard agressif que j’ai eu à l’encontre de ces abuseurs de la patience commune… !
J’en aurais tué cent, j’en aurais tué mille, j’aurais couvert de plastic collant armé la bouche de centaines de femmes, j’aurai privé de leur accessoire téléphonique les centaines d’hommes qui ont pollué mes trajets en RER tant sur la ligne « C » que sur la ligne « B », tant dans les TER de la région PACA, que dans le Ouigo décrépit ou l’ID TGV entre St Charles et Paris –Lyon…
Retrouver la certitude d’un voyage tranquille, bercé par les mouvements du train, le bruit des aiguilles à tricoter de la mamie qui va voir sa petite fille à Ollioules, le doux ronron de la climatisation…bref, un monde idéal… ! J’accepterai éventuellement d’être dérangé par les annonces périodiques précisant l’emplacement de la voiture bar….
Que faudrait-il faire pour qu’il en soit ainsi ? Ah ! un brouilleur ! ça existe en vrai ? Bien sûr, mais seuls les prisons et les salles de spectacles sont autorisés à en faire l’acquisition !
(Un brouilleur ? Mais où donc l'acheter ? )
Dommage, j’aurai bien aimé connaitre les sensations produites par un nouveau plaisir : priver les gêneurs de la parole, le temps d’un voyage, le temps d’un trajet, et les entendre pester contre leur opérateur qui décidement à une couverture de merde … !
© 2016 Sylvain Ubersfeld